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"Mais qui donc gouverne l'Algérie ?", une question posée par Camille Sari dans une actualité qui lui donne sens

À la question « Mais qui gouverne l’Algérie ? », Camille Sari répond par un ouvrage de 245 pages publié aux éditions L’Harmattan. Son analyse débute aux temps les plus anciens du pays, au temps de l’antiquité, pour aboutir progressivement à l’épisode Bouteflika qui aura été symptomatique de la question de la gouvernance de l’Algérie.

Certes, la réponse à la question dépend de chaque période et des rapports de force du moment. Mais, pour ce qui est de la période contemporaine, Camille Sari n’y va pas par quatre chemins. Il est clair dans son analyse : « Parfois, la balance penche du côté du clan présidentiel mais, le plus souvent, c’est l’état-major de l’armée et le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) qui sont à la manœuvre.“

Économiste et fin connaisseur du Maghreb, le professeur Camille Sari cherche à expliquer les ressorts sociologiques, économiques politiques de l’Algérie. Il livre un audit aussi pointu et impitoyable que pédagogique de l’économie algérienne, décrite comme mono-exportatrice (hydrocarbures) et administrée sur un mode « soviétique » où règnent l’improductivité et le suremploi bureaucratique, la corruption et la gabegie, en dépit d’évolutions impulsées par le Fonds monétaire international à partir de 1994.

L’ouvrage a été publié fin 2019. Le régime Bouteflika a été contraint de tourner la page de l’Histoire en démissionnant en avril 2019 à la suite de manifestations de masse contre le régime. Et l’ouvrage de Camille Sari s’achève sur cet épisode. Après un intérim d’Abdelkader Bensalah à la présidence de la République, c’est Abdelmadjid Tebboune qui a pris ces fonctions le 19 décembre 2019, après une élection marquée par des manifestations massives du Hirak et une abstention record.

Trois questions pour une suite à l'analyse

Aussi passionnant soit-il pour comprendre l’Algérie d’aujourd’hui, l’ouvrage de Camille Sari nous met dans l’attente d’un second volume. Car, depuis décembre 2019, l’histoire s’est accélérée, en Algérie comme ailleurs, et on reste impatient de connaître la suite des analyses en les contextualisant par rapport aux événements récents.

La question de départ de l’ouvrage « Qui gouverne l’Algérie ? » a été reprise à l’unisson et tout récemment par la presse internationale lors de la maladie du président Tebboune. Cette interrogation de fond est revenue dans l'actualité avec la longue hospitalisation en Allemagne d'Abdelmadjid Tebboune pour soigner ses symptômes du Covid-19. On est resté sans nouvelles de lui pendant deux mois. Les observateurs se sont alors posé la question "mais qui donc gouverne l'Algérie ?".  Des sites d’informations ont même osé écrire que Tebboune était décédé et que l’armée taisait l’événement. C’était bien sûr une fake-news. On aimerait donc que Camille Sari poursuive son analyse sur ce sujet.

Le Hirak, ce mouvement né en Algérie le 16 février 2019, est d'une ampleur inédite depuis des décennies. Certes il a conduit Bouteflika à démissionner le 2 avril 2019. Mais il a persisté. Le président Tebboune a été à son tour la cible des manifestants qui réclament son départ. Il a engagé une répression de ce mouvement contestataire. Mais, semble-t-il, c'est surtout la pandémie de coronavirus qui a conduit à un affaiblissement du mouvement. Là aussi, quelle analyse peut-on faire dans la continuité du développement de l’ouvrage de Camille Sari.

En politique étrangère, Bouteflika s'est rapidement aligné sur les positions de l'oligarchie militaire. Il a durci le ton face à Mohammed VI et à Rabat. Pour lui, la question sahraouie est devenue un atout stratégique face aux Américains et aux Français. L'Union du Maghreb arabe a perdu tout son sens sous sa présidence. La reconnaissance diplomatique d'Israël par le Maroc et l'avancée spectaculaire de Donald Trump sur la question du Sahara marocain viennent de donner une dynamique nouvelle à ce jeu diplomatique maghrébin. Comment analyser ce développement nouveau à partir du cadre analytique défini par Camille Sari.

L’essai de Camille Sari est une contribution solidement documentée et bien écrite à la compréhension d’une transition post-Bouteflika qui s’annonce, de toute manière, ardue pour les Algériens. Maglor s’est permis de poser trois questions pour contribuer au débat.

Mohamed Labzioui

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