En une seule journée, près de 5 000 personnes ont signé la récente pétition en faveur de la légalisation du cannabis au Grand-Duché de Luxembourg. L'audience à la Chambre a eu lieu ce jeudi 26 juillet sur ce sujet.
Joé Schmit a recueilli 7.471 signatures pour sa pétition demandant une légalisation de l'usage du cannabis dans des coffee shops, moyennant une limite de cinq grammes par personne et une interdiction de vente aux mineurs. Le but: réduire la criminalité liée à la drogue au Luxembourg. Les arguments de M. Schmit sont les suivants: une légalisation permettrait de soulager l'effort des forces de police, mais également de créer des emplois ainsi qu'une nouvelle source de revenus pour l'État.
Dans son bref discours d'ouverture, Joé Schmit a abordé ses préoccupations. «Aujourd'hui, les mineurs n'ont aucun problème pour se procurer du cannabis et sont ainsi poussés au crime. Je veux que le gouvernement protège les jeunes, les consommateurs, la société en général et surtout la primauté du droit», a-t-il dit, plaidant en faveur du modèle canadien, qui devrait selon lui servir d’exemple pour une future législation luxembourgeoise.
Ce modèle, qu’il décrit comme «très détaillé», proposerait un cadre efficace pour la production et la distribution du cannabis. Il a ensuite cédé la parole à Guy Munhowen, propriétaire de la boutique «placebo», qui fait commerce d'accessoires pour l'usage du cannabis. Il a finalement représenté l'affaire à l'audience.
Des coffee shops sur le modèle canadien
Mercredi déjà, Joé Schmit déclarait à l'antenne de Radio 100.7 être entré en contact avec l'homme d'affaires, qui a directement accepté de le soutenir. Les deux hommes ont ensuite élaboré un concept, qui ne prévoit pas de légalisation. Guy Munhowen lui préfère «le terme de "réglementation", qui crée un cadre juridique basé sur le modèle canadien».
Pour les pétitionnaires, une politique qui «criminalise la moitié de la population» depuis plus de 40 ans ne peut, en aucun cas, constituer une solution. «C'est une question de crédibilité de l'État de droit. Le coût de la répression dans le monde est deux fois plus élevé que les ventes de médicaments», a poursuivi l'homme d'affaires. «La loi sur les drogues est un tigre de papier: ce n'est pas une option. Nous devons aborder le problème, ouvertement».
Des nombreuses questions et des réponses simples
Lors du débat, le pétitionnaire a été confronté à des acteurs du judiciaire et de la santé, qui ont posé de nombreuses questions. «S'il n'y a pas de taxe pour les moins de 18 ans, que faisons-nous pour les jeunes qui fument de l'herbe ? Pénaliser ? Comment assurer la qualité ? Comment maîtriser le tourisme de la drogue ? Le cannabis est-il vraiment inoffensif ? Comment gérer le problème de la dépendance et la question de savoir s'il s'agit d'une drogue d'entrée vers d'autres substances ? Pourquoi le modèle canadien ? Qu'en est-il de l'État luxembourgeois ?»...
Face à cette myriade d'interrogations, Guy Munhowen s'est fendu de réponses simples. Interrogé sur la notion de «drogue d'entrée», il a déclaré que «tous les drogués ont déjà bu une bière». Il est également passé outre le fait que la consommation de cannabis puisse conduire à la psychose, argumentant que cela s'applique également aux «jeux Nintendo».
Il a expliqué, répondant aux questions sur la dépendance, que d'autres drogues existent: l'alcool, le café ou même le sexe, avançant que le risque demeure dans l'excès.
En général, il a constaté que l'État «a la possibilité de contrôler de A à Z», la culture, le tourisme de la drogue, les ventes et la consommation.
Au Canada, les jeunes n'ont pas le droit d'acheter du cannabis, mais ne sont pas criminalisés pour autant. En revanche, quiconque leur vend quelque substance illicite est passible de peines sévères. La culture du cannabis est autorisée: les parents sont à même d'en faire pousser pour, par exemple, l'usage de leurs enfants, afin de s'assurer de la qualité du produit.
«Le moment est venu de lancer un vaste débat»
Pour la ministre de la Santé, Lydia Mutsch, «le moment est venu de lancer un vaste débat, car la consommation de drogues est une réalité sociale que nous ne devons pas ignorer».
Car les équations «répression = échec» et «libéralisation = succès» ne sont malheureusement pas si simples. «Notre société peut-elle tolérer une nouvelle drogue, en plus de l'alcool, que nous ne pouvons déjà pas contrôler ?», a-t-elle demandé, appelant à une discussion ouverte.
Le ministre de la Justice, Félix Braz, est plus sévère: «Ici, nous avons une règle très claire : tout est interdit. La politique antidrogue possède de nombreuses facettes; elle est dure pour les revendeurs, mais vient en aide aux jeunes qui ont des problèmes de consommation».
«L'État ne peut pas fermer les yeux à propos des problèmes de santé» a-t-il dit. «Peu importe comment nous nous y prenons: le problème reste que nous devons punir les violations».
Les partis politiques prennent position
"La protection des mineurs est un problème", a déclaré Martine Mergen, députée CSV. «Un certain nombre d'arguments ont conduit le CSV à refuser de légaliser le cannabis. Cependant, nous sommes ouverts à une exploration plus approfondie des possibilités et devrions revenir sur la question avec le Parlement à l'automne».
Le député LSAP Alex Bodry a, quant à lui, déclaré que «pour la première fois, nous faisons une déclaration claire concernant une réglementation étatique du cannabis. C'est une entreprise difficile, mais la politique antidrogue actuelle est inefficace. Il n'y a pas de contrôle et la situation ne s'est pas améliorée».
Du côté de Déi Lénk, David Wagner est d'avis qu'actuellement, «l'État laisse un secteur entier à la mafia. La libéralisation de ce secteur coûterait moins cher en frais de police et de justice».
"Nous sommes prêts à chercher une solution", a enfin expliqué Gast Gibéryen, de l'ADR, soulignant néanmoins plusieurs problèmes. «En tant que petit pays, nous ne pouvons pas maîtriser le tourisme de la drogue. Combien coûterait un contrôle efficace ?» Il a plaidé en faveur d'une solution européenne, excluant la possibilité pour le Grand-Duché de faire cavalier seul.
Source : Luxembourger Wort