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L’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, une «mini Europe» à cheval sur le Rhin

L’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau s’ambitionne en «laboratoire» d’une «mini Europe» transfrontalière où vivent 940 000 Français et Allemands et réclame des «pouvoirs élargis» pour aller «plus loin» dans la coopération.

(AFP) - «Faciliter le quotidien»: l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau s’ambitionne en «laboratoire» d’une «mini Europe» transfrontalière où vivent 940 000 Français et Allemands et réclame des «pouvoirs élargis» pour aller «plus loin» dans la coopération, 60 ans après le Traité de l’Élysée. En ce matin de janvier, le froid est piquant à Lahr, une ville du sud-ouest de l’Allemagne au pied de la forêt Noire. Devant la gare, le bus 280 s’apprête à repartir vers la ville française d’Erstein (Bas-Rhin).

À bord, un seul passager: Julien Schemmel, un dessinateur industriel de 23 ans qui prend cette ligne transfrontalière de temps en temps «pour aller au travail». Le jeune Allemand, qui ne l’a utilisée «qu’une fois» pour aller en France, la juge «utile», surtout pour les travailleurs transfrontaliers, comme ceux de Zalando, le géant allemand du commerce en ligne qui a installé l’une de ses plateformes à Lahr. Plus de 1 300 personnes y travaillent, dont de nombreux frontaliers français.

«L’un de nos plus grands succès»

Cette ligne, mise en place en 2017 et surnommée «Erstein-Zalando» ou «bus Eurodistrict», est très prisée par ces salariés. Publique depuis 2020, elle propose six allers-retours quotidiens, du lundi au samedi. «L’un de nos plus grands succès», explique Frank Scherer, le président allemand de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, la structure qui a porté ce projet avec différents acteurs des deux côtés du Rhin.

Créé en 2005, constitué depuis 2010 en Groupement européen de coopération territoriale (GECT), l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau a été lancé par le président français Jacques Chirac et le chancelier allemand Gerhard Schröder en 2003, lors des 40 ans du Traité de l'Élysée, socle de la réconciliation franco-allemande, explique Birte Wassenberg, professeure d’histoire contemporaine à Sciences-Po Strasbourg. Strasbourg-Ortenau, dont le conseil est composé de 15 élus allemands et autant de français, est l’un des quatre Eurodistricts du Rhin supérieur, région riche en partenariats et institutions transfrontaliers (Conseil Rhénan, Conférence du Rhin supérieur...), poursuit-elle.

«Faciliter le quotidien transfrontalier»

Il «englobe les 61 communes de l’Eurométropole de Strasbourg et du canton d’Erstein» ainsi que «les 51 communes» de l’arrondissement allemand de l’Ortenau, soit «940 000 habitants», détaille sa vice-présidente et maire de Strasbourg, l’écologiste Jeanne Barseghian. Un espace de vie où le fleuve-frontière, le Rhin, se traverse «au quotidien, pour le travail, pour les services, pour les courses» ou «pour retrouver (...) famille et amis», explique-t-elle. Une «mini Europe où le sentiment d’appartenance a créé un cadre institutionnel commun».

Dans cet espace-là, l’un des objectifs de l’Eurodistrict est de «faciliter le quotidien transfrontalier», notamment en levant les barrières bureaucratiques, selon M. Scherer. Avec 850 000 euros de budget annuel, l’Eurodistrict ne peut toutefois financer à lui seul de coûteux projets et ses réalisations concrètes restent modestes: il est à l’origine d’un gobelet écolo réutilisable ou encore de l’opération «Vélo Gourmand», un parcours cyclable entre Alsace et Ortenau ponctué de haltes gastronomiques.

Limites

Mais il développe encore une action de «lobbying auprès des autorités régionales, nationales et européennes» ou finance des projets de rencontres transfrontalières. Outre la mobilité, le climat est un thème important pour l’Eurodistrict, qui va organiser cette année un forum sur l’adaptation au changement climatique appelé à servir de socle pour «un plan d’action (...) transfrontalier», insiste Frank Scherer. Même si, parfois, ça coince: en dépit de ses efforts, l’Eurodistrict n’a pas pu jusqu’à présent instaurer une vignette automobile environnementale binationale, faute de cadre juridique adéquat. Problématique, au moment où les zones à faibles émissions (ZFE) se multiplient.

Une illustration des limites rencontrées par les entités transfrontalières qui n’ont «pas de véritables compétences» pour réaliser leurs projets, constate Birte Wassenberg: certes, elles peuvent réfléchir à des «politiques» ou des projets «communs», mais leur mise en place effective revient aux États. Une lacune à laquelle le Traité d’Aix-la-Chapelle, signé en 2019 par Emmanuel Macron et Angela Merkel, proposait de remédier en les dotant de «compétences appropriées». «Malheureusement, beaucoup des espoirs que les Eurodistricts plaçaient» dans ce traité (...) ne se sont «pas concrétisés», constate M. Scherer, qui regrette que «les compétences et les pouvoirs élargis des Eurodistricts» ne soient «toujours pas mis en œuvre» ou «trop timidement». «Nous n’irons pas plus loin sans un transfert de compétences et des cadres de financement adaptés», prévient-il.

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