Cinq mois à un an de prison avec sursis ont été requis, jeudi, à l'encontre de dix dirigeants de bureaux d'études et d'entreprises, pour avoir truqué 58 marchés publics.
Le délibéré sera rendu le 17 mai. Des peines d'amende allant de 10 000 à 25 000 euros ont également été réclamées par le procureur à l'encontre de dix prévenus, âgés de 40 ans à 67 ans. Ils comparaissaient devant le tribunal correctionnel pour des ententes illicites portant sur 58 marchés de travaux publics, commandés par des collectivités entre 2008 et 2011. Une onzième prévenue sera jugée ultérieurement pour ces mêmes faits.
«En faisant ça, ils ont faussé le jeu de la concurrence, ils ont fermé le marché», a souligné le procureur, Thomas Bernard, qui a qualifié le système de concertation de «perversion». «Dans ce dossier, il y a des ententes horizontales entre les entreprises de travaux, des ententes horizontales entre bureaux d'études, des ententes verticales entre les deux avec des cadeaux, des voyages», a résumé la présidente du tribunal, Valérie Rossburger.
Une concertation frauduleuse
Les faits ont été dénoncés à la Direction interrégionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Moselle en mars 2009 par un chef d'entreprise, évincé du réseau d'entente frauduleux. Il avait expliqué avoir participé à des «tables rondes», organisées deux à trois fois par mois, pour répartir les marchés de réseaux secs (électricité, gaz, téléphonie, haut-débit,...) en Moselle et en Meurthe-et-Moselle entre les différentes entreprises du secteur.
Les participants s'accordaient sur le prix des offres afin qu'une société décroche le chantier. La concertation frauduleuse concernait aussi en amont les bureaux d'études, sollicités par les communes pour réaliser gratuitement les démarches préalables à un chantier. Le bureau d'études contactait ensuite deux autres concurrents, pour respecter en apparence les règles de la concurrence, afin d'obtenir «une offre de couverture». Ils devaient annoncer un taux d'honoraires supérieur au sien afin qu'il reste le moins-disant et soit sélectionné par la collectivité pour la réalisation du chantier.
«Ça veut dire qu'on a magouillé, qu'on est un voyou»
«Vous aviez conscience que cette pratique contrevenait à la loi?», a demandé la présidente à un dirigeant. «Ce n'était pas une démarche normale. Les collectivités profitent du système et de la crise (du BTP). Travailler en amont sans être payé, ce n'est pas non plus normal. Mais si on ne le fait pas, on ne travaille pas», a-t-il répondu. Certains des prévenus devaient également répondre d'abus de biens sociaux, fausses facturations et favoritisme.
«Même une peine de prison avec sursis, c'est un déshonneur. Ça veut dire qu'on a magouillé, qu'on est un voyou», a plaidé l'un des avocats de la défense, Bertrand Becker. «Les auteurs principaux, ces sont les maires. Je le redis: où sont-ils? Dans cette salle, il n'y a que des complices des maîtres d'ouvrage», a-t-il ajouté. Dans un communiqué, Anticor a regretté que «tous les élus (aient) été curieusement épargnés par l'enquête».
Maglor/AFP