Partager sur :

Alexandre Djouhri, le franco-algérien de l'affaire Sarko-Libye

L’affaire libyenne qui vaut à Nicolas Sarkozy d’être mis en examen pour «corruption passive», «financement illégal de campagne électorale» et «recel de fonds publics libyens» passe aussi par un personnage au parcours hors norme. A côté du Franco-Libanais Ziad Takieddine, il y a le Franco-Algérien, Alexandre Djouhri.

Les juges soupçonnent Alexandre Djouhri d’avoir, comme son rival Ziad Takieddine, joué un rôle central dans l’affaire libyenne. Leur conviction s’est renforcée depuis qu’ils sont entrés en possession de documents récupérés à Genève. Le 24 mars 2015, à leur demande et en vertu des accords d’entraide judiciaire, une perquisition est menée au domicile du Franco-Algérien à Chêne-Bougeries et dans les bureaux de l’une de ses sociétés. Alexandre Djouhri aura tout fait pour s’opposer à la transmission des pièces saisies. Le 8 juin 2017, l’homme d’affaires a essayé de faire bloquer l’ordonnance du Ministère public genevois. Alexandre Djouhri a invoqué des vices de procédures et dénoncé la fuite de photos dans la presse. En vain. Le 23 octobre 2017, le Tribunal fédéral l’a débouté, offrant ainsi sur un plateau ce que le juge Tournaire et ses collègues attendaient depuis des mois.

Le 8 janvier dernier, l’homme d’affaires, sous le coup d’un mandat d’arrêt européen depuis le 22 décembre 2017, a été cueilli au pied de l’avion par la police londonienne. Alexandre Djouhri est soupçonné de «mise en place d’un système de corruption généralisé d’agents publics», de «corruption active», de «blanchiment et détournement de fonds publics» et enfin de «faux et usage de faux».

Après l’avoir libéré sous caution en attendant une décision concernant son extradition, les autorités l’ont finalement renvoyé derrière les barreaux à la fin du mois de février dernier. Elles auraient eu vent d’une tentative d’exfiltration. Depuis, Alexandre Djouhri a dû être hospitalisé, victime de graves troubles cardiaques. Ses amis croisent les doigts pour qu’il retrouve la santé tout en s’inquiétant de ce qui pourrait se passer s’il était extradé vers la France et mis sur le gril par le juge Tournaire. Le suspense sera de courte durée. La justice britannique doit se prononcer le 17 avril prochain. Même s’il n’est pas du genre à se mettre à table, le Tout-Paris des affaires tremble à l’idée de le voir rentrer menottes aux poignets.

L’homme est détenteur de lourds secrets, et pas seulement sur l’affaire libyenne. Son ascension dans les plus hautes sphères du pouvoir politique et économique en atteste. Elle est entourée d’un halo de mystères. Le journaliste Pierre Péan a été le premier, dans son livre Les mallettes de la République, publié en 2011, à exhumer l’étonnant curriculum vitae de Monsieur Alexandre. Celui d’un ex-petit caïd de banlieue originaire de Saint-Denis, fiché par la police au début des années 80, devenu l’intime de plusieurs ministres, dont Dominique de Villepin, et de présidents, le conseiller occulte de grands patrons tels qu’Henry Proglio (Veolia) et le confident de plusieurs chefs de services de renseignements. Un parcours qui est également passé par la case show-biz. Ses fréquentations dans le milieu de la nuit et du grand banditisme ont d’ailleurs bien failli lui coûter la vie. En 1986, il échappe à une tentative d’assassinat. Quelques années plus tard, c’est un autre Djouhri qui refait surface. Ce n’est plus Ahmed, mais Alexandre.

Aujourd’hui, Monsieur Alexandre est au cœur d’un scandale d’Etat. Son rôle dans le financement présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy par des fonds libyens l’expose à de gros ennuis. Son nom a commencé à apparaître en filigrane d’autres scandales politico-financiers dès la fin des années 90. Au fil des ans, Alexandre Djouhri est devenu un intermédiaire incontournable sur tous les grands contrats au Proche et Moyen-Orient, au point de s’attirer l’inimitié fratricide d’un autre intermédiaire tout aussi incontournable, le Libanais Ziad Takieddine. Aujourd’hui, les juges comptent réunir ces deux rivaux de toujours sur un même banc pour leur rôle dans l’affaire libyenne.

Avec TDG - Tribune de Genève

Partager sur :