La principale fédération musulmane d’Autriche IGGÖ s’est dite « indignée » dimanche dans sa première réaction à l’annonce par le gouvernement de la fermeture de sept mosquées et d’une menace d’expulsion de dizaines d’imams au nom de la lutte contre « l’islam politique. »
(AFP) - L’IGGÖ reproche à la coalition droite/extrême droite menée par le chancelier Sebastian Kurz de « vouloir discréditer la communauté religieuse par calcul politique », a indiqué son président, Ibrahim Olgun, dans un communiqué.
M. Olgun juge que ces annonces ne sont pas « appropriées pour contrôler l’islam politique, mais conduiront au bout du compte à un affaiblissement des structures de la communauté musulmane en Autriche ».
Il estime que le gouvernement n’a pas fourni de « justification objective » à l’ordre de fermeture prononcé contre sept lieux de culte, dont quatre à Vienne.
Sur la forme, M. Olgun reproche au gouvernement de ne pas avoir informé la fédération de ces mesures et d’avoir convoqué une conférence de presse au dernier moment, le dernier vendredi du mois du ramadan, alors que les responsables autrichiens se targuent de vouloir collaborer avec l’IGGÖ.
« Les solutions doivent être élaborées ensemble autour d’une table, plutôt qu’unilatéralement sur le dos de la minorité musulmane », a réclamé l’IGGÖ. La fédération mènera son propre audit des lieux de culte et des personnes mises et causes et demandera un rendez-vous au ministère des Cultes.
Le gouvernement autrichien a annoncé vendredi avoir ordonné la fermeture de sept lieux de culte musulmans, qui contreviennent selon lui à la loi sur l’islam de 2015, laquelle impose « une attitude positive envers l’État et la société » de la part des responsables de mosquées. Des représentants de ces lieux de prière sont accusés d’avoir tenu des propos prêchant un islam radical.
Les autorités autrichiennes veulent remettre en question les autorisations de séjour des imams rattachés à l’Union islamique turque d’Autriche (Atib), la plus puissante association religieuse turque dans le pays, liée à la direction des affaires religieuses en Turquie (Diyanet).
Le retrait d’autorisation de séjour pourrait concerner jusqu’à soixante imams de l’Atib, auquel le gouvernement reproche d’être financés par la Turquie en contradiction avec une loi autrichienne qui interdit le financement étranger dans ce domaine. Deux de ces imams se sont pour l’instant vu refuser un renouvellement de permis de séjour.
Dès vendredi, l’Atib avait réagi en contestant tout comportement radical dans ses mosquées en Autriche et exprimé son incompréhension. L’association reconnaît la contribution financière de la Turquie, mais observe que cet état de fait était connu depuis plusieurs années et lié à l’absence de formation adéquate des imams en Autriche.
Le gouvernement conservateur expulse 60 imams et leurs familles
Le gouvernement conservateur autrichien a lancé, vendredi, une spectaculaire offensive contre « l'islam politique » qui devrait conduire à l'expulsion de dizaines d'imams et à la fermeture de sept mosquées financées par la Turquie. L'annonce a été faite par le chancelier Sebastian Kurz en personne à la suite d'un scandale suscité par la reconstitution, dans une des principales mosquées de Vienne affiliée à la communauté turque, de la bataille de Gallipoli, jouée par des enfants habillés en soldats.
« Des sociétés parallèles, l'islam politique et la radicalisation n'ont pas leur place dans notre pays », a argumenté le chef du gouvernement autrichien lors d'une conférence de presse. Sans attendre, Ankara s'est insurgée contre cette décision. « La fermeture par l'Autriche de sept mosquées et l'expulsion d'imams est le résultat de la vague populiste, islamophobe, raciste et discriminatoire dans ce pays », a dénoncé sur Twitter le porte-parole du président Recep Tayyip Erdogan.
Le scandale est venu par le canal de la presse qui a publié des clichés montrant les jeunes garçons en tenue de camouflage alignés en rang, faisant le salut militaire et agitant des drapeaux turcs, devant un public d'enfants. Une autre photo laisse apparaître des enfants allongés, pour figurer les victimes de la bataille, leur corps enroulé dans un drapeau turc. « Ce qui s'est passé dans cet endroit [...] n'a pas sa place en Autriche. Le gouvernement fera preuve d'une tolérance zéro », avait alors déclaré Sebastian Kurz.
La bataille des Dardanelles a débuté en février 1915 par la tentative d'une flottille franco-britannique de forcer le détroit pour s'emparer d'Istanbul, capitale de l'Empire ottoman. Repoussés, les Alliés ont débarqué le 25 avril à Gallipoli mais ont été défaits après de longs mois d'offensive. L'Empire ottoman a fini la Première guerre mondiale dans le camp des perdants et a été démantelé. Mais la bataille de Gallipoli est devenue un symbole de la résistance qui a abouti à l'avènement de la République turque moderne en 1923.
Michel De Grandi (Les Echos)