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Droit des étrangers : Français par la naissance en France. Sauf à Mayotte ?

Le droit du sol marque l'acquisition de la nationalité française. Pour l’enfant né en France de parents étrangers nés à l’étranger, la nationalité française lui revient automatiquement et de plein droit à sa majorité ("droit du sol simple différé") s’il réside en France à cette date, et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins 5 ans depuis l’âge de 11 ans. Avant sa majorité, il peut acquérir la nationalité sur demande de ses parents (entre 13 et 16 ans), ou sur demande personnelle (entre 16 et 18 ans), avec des conditions de durée de résidence en France.

Cette disposition légale risque de ne plus être appliquée dans le département de Mayotte, cet archipel de l'océan Indien situé entre Madagascar et la côte du Mozambique. Avant d'en expliquer les raisons et de comprendre pourquoi le gouvernement pourrait être tenté par une telle mesure, il importe de bien rappeler à nos lecteurs le droit de leurs enfants s'ils sont nés sur le sol français. Trop de fausses informations circulent sur le sujet qui ne sont jamais vérifiées par ceux qui les répandent.

Un enfant né sur le sol français de parents étrangers est Français soit à 13 ans, soit à 16 ans, soit à 18 ans

Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert, de plein droit et de façon automatique, la nationalité française à ses 18 ans si, à cette date, il réside en France et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de 11 ans. Il n'y a aucune démarche à faire pour acquérir la nationalité française puisque cette acquisition est automatique, mais la nationalité doit être prouvée pour obtenir un document d'identité (carte nationale d'identité ou passeport). 

L'enfant né en France de parents étrangers, peut devenir Français sans attendre ses 18 ans. Il peut, à partir de l'âge de 16 ans, réclamer la nationalité française par déclaration, si, au moment de cette déclaration, il réside en France et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de 11 ans. Il peut effectuer seul cette démarche sans autorisation parentale (sauf s'il est empêché d'exprimer sa volonté par une altération de ses facultés mentales ou corporelles).

Les parents étrangers (ou tuteurs) d'un enfant né en France, âgé d'au moins 13 ans et qui réside habituellement en France depuis l'âge de 8 ans, peuvent réclamer, au nom de l'enfant, la nationalité française par déclaration. Le consentement du mineur est obligatoire (sauf s'il est empêché d'exprimer sa volonté par une altération de ses facultés mentales ou corporelles).

Ce rappel est assez clair pour qu'il ne suscite pas de contestation de ceux qui répandent de fausses informations. (Voir plus loin les références légales).

 

Qu'en est-il à Mayotte ?

 

Mayotte fait face à une très forte immigration venue des Comores marquées par la pauvreté et situées à seulement 70 kilomètres des côtes mahoraises. "En 2015, plus d'un adulte sur deux vivant à Mayotte n'y est pas né", et les natifs des Comores "représentent 42% de la population du département", note l'Insee. La part d'étrangers "est nettement plus élevée parmi les jeunes adultes (51% parmi les 25-34 ans) que dans les générations les plus anciennes", selon l'étude.

Cette vague d'immigration ne semble pas prête de se tarir. En 2014, 70% des accouchements ayant eu lieu dans la maternité de Mayotte concernaient des Comoriennes, comme le rapporte France24. Et en vertu du principe du droit du sol, tout enfant né en France de parents étrangers acquiert de plein droit la nationalité française à sa majorité s'il y réside depuis au moins cinq ans (voire avant s'il en fait la demande).

Or, pour une grande partie de la population, l'insécurité est directement liée à l'immigration massive de Comoriens, attirés par les meilleures conditions de vie, de meilleurs soins et par l'obtention de la nationalité française. Pour lutter contre ces arrivées en "kwassas kwassas" (canots de pêche), la ministre des Outremer a donc annoncé plusieurs mesures. Après un premier échec, ces propositions (complétées) ont finalement été acceptées. Mais elles n'ont pas été suffisantes pour convaincre une partie des syndicats et manifestants, qui ont refusé de lever les barrages, estimant que "des points manquaient" dans l'accord.

Face aux propositions du gouvernement sur la lutte contre l'immigration clandestine, une idée beaucoup plus forte fait en effet son chemin, portée par les leaders de droite et d'extrême droite Laurent Wauquiez et Marine Le Pen: réformer le droit du sol. Avant eux, François Baroin en 2005, puis Alain Juppé en 2013 et en 2016, avaient aussi prôné un changement de la législation, en s'appuyant notamment sur le cas de Mayotte.

Mais du côté du gouvernement, on semble très réticent à toucher à cette question explosive. Annick Girardin a ainsi indiqué que la création d'un statut d'exterritorialité pour l'hôpital de Mayotte ferait l'objet d'un groupe de travail. "Au lieu d'obtenir automatiquement la nationalité française", les enfants de femmes comoriennes qui y naîtraient "pourraient être déclarés comme Comoriens au registre de l'état civil", précise Aurélien Taché, député en Marche, dans un entretien à La Croix, affirmant cependant que "le gouvernement ne veut pas remettre en cause le droit du sol".

Ce statut d'extraterritorialité serait pourtant lui aussi contraire à la Constitution, comme l'a rappelé le professeur de droit public à l'université de Grenoble Serge Slama. "D'une part parce qu'il porterait atteinte au principe d'indivisibilité de la République, puisqu'on appliquerait un droit différent sur une portion du territoire français, et d'autre part ce serait contraire au principe d'égalité devant la loi, puisqu'on ferait une différence de traitement à l'égard de certaines personnes parce que les mères seraient comoriennes", a-t-il expliqué au micro de France Inter.

En savoir plus

Que dit le Code Civil ?

Acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France

Article 21-7 : Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans.

Article 21-11 : L'enfant mineur né en France de parents étrangers peut à partir de l'âge de seize ans réclamer la nationalité française par déclaration, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants si, au moment de sa déclaration, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans.

Dans les mêmes conditions, la nationalité française peut être réclamée, au nom de l'enfant mineur né en France de parents étrangers, à partir de l'âge de treize ans, la condition de résidence habituelle en France devant alors être remplie à partir de l'âge de huit ans. Le consentement du mineur est requis, sauf s'il est empêché d'exprimer sa volonté par une altération de ses facultés mentales ou corporelles constatée selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 17-3.

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