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Hué, le Premier ministre d'Irak quitte les obsèques d'un poète engagé

Hué, le Premier ministre d'Irak quitte les obsèques d'un poète engagé

Hué par des militants antipouvoir, le Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi a dû quitter dans la précipitation samedi les obsèques à Bagdad du célèbre poète engagé Muzaffar al-Nawab connu pour son passé de révolutionnaire.

(AFP) - Agé de 88 ans, Muzaffar al-Nawab est décédé vendredi dans un hôpital des Emirats arabes unis. Son cercueil transporté par avion présidentiel est arrivé samedi à l'aéroport de Bagdad, où l'attendait M. Kazimi.

Le cortège funèbre, accompagné par M. Kazimi, s'est ensuite rendu au siège de l'Union des écrivains dont les abords étaient envahis par des centaines de personnes, toutes générations confondues, venues rendre un dernier hommage au poète lors d'une cérémonie officielle.

Là, de jeunes militants ont commencé à scander des slogans antipouvoir et hué le Premier ministre: "Dehors! dehors!", "Vous êtes tous des voleurs"!

Dans cette ambiance tendue, la famille a à peine eu le temps de se recueillir sur le cercueil recouvert du drapeau irakien. Et M. Kazimi, entouré de ses gardes du corps, n'a pu que très brièvement s'en approcher, avant de quitter les lieux dans la précipitation.

Après les obsèques écourtées, des manifestants ont caillassé des voitures de responsables à leur passage.

Des participants à la cérémonie ont déploré ces incidents estimant qu'ils entachaient l'hommage rendu au poète.

Né en 1934 dans une famille de la haute société de Bagdad, diplômé de la faculté des lettres, Muzaffar al-Nawab s'est fait connaître pour ses poèmes à l'ardeur révolutionnaire et à la gouaille populaire marqués par son engagement communiste et ses critiques des dictatures arabes.

Ses positions politiques le mèneront en prison et le jetteront sur la route de l'exil, en Iran, puis à Damas et Beyrouth, mais aussi en Europe.

Les poèmes de Nawab ont été repris en masse lors du soulèvement populaire inédit de 2019 en Irak contre une classe politique accusée de mauvaise gouvernance et de corruption.

"Muzaffar al-Nawab fait partie de ceux qui ont contribué à l'éveil de notre conscience politique", a indiqué à l'AFP Mohamed Hicham, 27 ans, venu rendre hommage au poète.

"C'est un poète populaire et non un poète de l'élite", avait indiqué à l'AFP Omar al-Saray, porte-parole de l'Union des écrivains avant les incidents à la cérémonie. "Il représente le combat contre la dictature."

Comme il le souhaitait, Nawab sera enterré près de sa mère dans la ville sainte chiite de Najaf, au sud de Bagdad.

En savoir plus

L'artiste est décédé dans un hôpital des Emirats arabes unis, au terme d'un long combat contre la maladie, a annoncé le ministère de la Culture. "Il reste vivant dans l'esprit de tous ceux qui chantent ses poèmes immortels", a réagi sur Twitter le président irakien Barham Saleh.

Né en 1934 dans une famille de la haute société de Bagdad, diplômé de la faculté des lettres, Nawab s'est fait connaître pour ses poèmes à l'ardeur révolutionnaire et à la gouaille populaire marqués par son engagement communiste et ses critiques des dictatures arabes. Ses positions politiques le mèneront en prison et le jetteront sur la route de l'exil, en Iran, puis à Damas et à Beyrouth, mais aussi dans les capitales européennes. En 1963, le communiste est contraint de quitter l'Irak au régime nationaliste pour rallier clandestinement l'Iran. Arrêté, il sera livré à la police politique de son pays, puis condamné à mort - mais sa sentence allégée en prison à vie, raconte le site Internet Adab, spécialisé dans la poésie arabe. Il prendra la fuite d'une prison au sud de Bagdad mais sera de nouveau arrêté quelques années plus tard.

Il est présenté comme l'un des principaux poètes à avoir introduit le parler populaire irakien dans ses œuvres.

Exilé à l'époque du dictateur déchu Saddam Hussein, sa dernière visite en Irak remonte à 2011 - après le retrait des troupes américaines qui ont envahi le pays en 2003. Il avait été accueilli en grande pompe par la présidence.

Jamais marié et sans enfant, il était aux Emirats pour suivre un traitement médical.

Vendredi, le Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi a demandé à ce que son corps soit rapatrié en Irak par avion ministériel.

Ses poèmes ont été repris en masse lors du soulèvement populaire inédit de l'automne 2019 contre une classe politique accusée de mauvaise gouvernance et de corruption endémique.

"Pourquoi Muzaffar est mort aux Emirats ? (...) Parce que vous gouvernez l'Irak depuis 19 ans. Parce que les hôpitaux de Bagdad ne soignent pas les patients. Parce que le pays n'est pas vivable sous le règne de vos milices et de vos turbans", a tweeté vendredi le journaliste irakien Omar al-Janabi.

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