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Kamel Daoud face à la polémique : accusations de plagiat et censure en Algérie

Kamel-Daoud

Magor - L'écrivain franco-algérien Kamel Daoud, lauréat du prestigieux prix Goncourt, est au cœur d'une vive controverse en Algérie. Son dernier roman, Houris , qui raconte l'histoire d'une jeune femme victime des violences de la guerre civile algérienne (1992-2002), est accusé d'être inspiré d'un témoignage réel recueilli par son épouse, la psychiatre Aicha Dehdouh.

Des accusations de violation du secret médical

Saâda Arbane, une survivante du conflit, affirme que l'histoire de l'héroïne du livre, Aube, est en réalité la sienne. Elle explique avoir confié son vécu à Dehdouh lors d'une thérapie et accuse le couple d'avoir utilisé son récit sans son consentement. Accompagnée de son avocate Fatima Benbraham, elle a déposé deux plaintes auprès du tribunal d'Oran : l'une pour violation du secret médical, l'autre pour diffamation et atteinte à la mémoire des victimes du terrorisme.

Benbraham insiste sur la gravité des faits, remarquable que le livre contrerait également à la loi sur la réconciliation nationale, qui restreint la publication de témoignages sur la guerre civile. Cette législation, largement évoquée par les défenseurs des libertés, interdit toute remise en cause de la version officielle du conflit.

Une affaire aux résonances politiques

Face à ces accusations, les éditions Gallimard ont fermement défendu Kamel Daoud, dénonçant une campagne orchestrée par des médias proches du régime algérien. « Houris est une œuvre de fiction, même si elle s'inspire du contexte tragique de la guerre civile », affirme l'éditeur. Il ajoute que l'écrivain subit des attaques récurrentes en raison de ses prises de position critiques vis-à-vis du pouvoir.

L'affaire a pris une tournure encore plus politique lorsque les autorités algériennes ont interdit Houris et exclu les éditions Gallimard du prochain Salon du Livre d'Alger. Une décision qui rappelle d'autres formes de censure en Algérie, où la liberté d'expression reste sous surveillance.

Un débat plus large sur la mémoire collective

Au-delà du scandale, cette polémique pose la question de la transmission de la mémoire en Algérie. Comme l'a souligné Kamel Daoud dans un entretien au Monde , la guerre d'indépendance contre la France est enseignée en détail, mais le conflit des années 1990 demeure un tabou. « Pendant la guerre d'indépendance, la violence était noble, nous nous défenseions. En 1992, nous nous tuions entre nous », at-il déclaré.

L'interdiction de Houris et la réaction des autorités montrent que ce sujet reste hautement sensible en Algérie. Entre mémoire refoulée et instrumentalisation politique, cette affaire dépasse largement le cadre littéraire et soulève un débat crucial sur la liberté de création et la réconciliation avec le passé.

Reste à savoir si cette controverse affectera durablement la carrière de Kamel Daoud ou si elle renforcera, au contraire, son statut d'auteur engagé face à un pouvoir qui cherche à contrôler l'histoire officielle.

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