La guéguerre entre les différentes tendances des Musulmans de France continue. Elle cache un conflit plus vaste, celui entre les pays qui les soutiennent avec notamment l'Algérie.
(AFP) - La Mosquée de Paris et trois fédérations installent dimanche à Paris un Conseil national des imams (CNI), destiné à donner un agrément aux imams, une instance contestée par le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui n'exclut pas si nécessaire de la contester en justice.
A l'automne 2020, dans le cadre de la lutte contre l'islam radical et les "séparatismes", l'Elysée avait poussé les diverses fédérations composant le CFCM, principal interlocuteur des pouvoirs publics, à mettre en place un CNI, chargé de "labelliser" les imams exerçant en France.
Mais, suite à des divisions internes au CFCM, le projet est resté lettre morte pendant plusieurs mois.
La Grande Mosquée de Paris, le Rassemblement des Musulmans de France, Musulmans de France (ex-UOIF proche des Frères musulmans) et la Fédération Française des Associations Islamiques d'Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA), qui ont quitté le bureau exécutif du CFCM en mars dernier, affirment avoir poursuivi les travaux.
Et ces quatre fédérations organisent dimanche matin une "assemblée constitutive" du CNI, permettant, entre autres, de valider ses statuts. Puis une présentation, l'après-midi, de cette instance d'un peu moins de 30 personnes, qui "pourra notamment agréer les imams et mourchidates (femmes ayant une responsabilité religieuse comme les aumônières par exemple, NDLR)", précisent-elles dans un communiqué.
Ce CNI, en outre "élaborera un statut de l’imam et de la mourchida et établira leur plan de carrière", ajoutent-elles.
Selon elles, l'installation de ce CNI oeuvre "pour une reconnaissance de leurs efforts en faveur de l’émergence d’un islam républicain, porteur des valeurs de paix, de solidarité et d’ouverture".
Elles précisent que ces instances "demeurent ouvertes à toute fédération musulmane et à tout imam qui accepteraient de respecter les dispositions statutaires".
Mais le président du CFCM Mohammed Moussaoui a qualifié cette initiative de "détournement du travail fait sous l’égide du CFCM". Il annonce que les différentes structures régionales et départementales se réuniront le 12 décembre en "congrès" pour mettre en place un CNI.
Et de mettre en garde: le CFCM "se réserve le droit d’agir par tous les moyens légaux pour faire cesser cette attitude irresponsable qui ne fait qu’aggraver une situation de division préjudiciable à tous", dit-il dans un communiqué.
Invité dimanche, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ne viendra pas, a précisé son entourage à l'AFP.
La relation entre le Maroc et l’Algérie en toile de fond
Interlocuteur historique des pouvoirs publics concernant le culte musulman, le CFCM est plongé dans l'embarras depuis que le gouvernement a voulu faire adopter une « Charte des principes pour l’islam de France », réclamée par Emmanuel Macron dans la foulée de son offensive contre le « séparatisme ». Le texte, qui devait servir de pierre angulaire pour restructurer la deuxième religion du pays, dénonce notamment « l’instrumentalisation » politique de l’islam, proscrit « l’ingérence » d’Etats étrangers et réaffirme la « compatibilité » de l’islam avec la République.
En janvier, trois fédérations du CFCM, dont les deux turques – le Millî Görüs et le Comité de coordination des musulmans turcs de France – ont rejeté cette charte, qui risque selon elles de « fragiliser » la confiance à l’égard des musulmans. Après ce refus, quatre des neuf fédérations du CFCM, la Grande Mosquée de Paris, le Rassemblement des Musulmans de France, Musulmans de France et la Fédération Française des Associations Islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA) ont annoncé en mars quitter le bureau exécutif du CFCM, pour créer une nouvelle instance chargée de réfléchir à « la refondation de la représentation du culte musulman en France ».
Ces divisions de fond sont également nourries par l’inimitié notoire entre le président du CFCM, Mohammed Moussaoui, proche du Maroc, et le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, proche de l’Algérie.