Maglor - Les symboles sont parfois révélateurs. En 2018, un chêne fut planté dans les jardins de la Maison-Blanche, symbole de l’amitié naissante entre Emmanuel Macron et Donald Trump. Pourtant, la greffe ne prit pas, et l’arbre périt peu de temps après, reflétant peut-être la réalité d’une relation qui allait se détériorer. Aujourd’hui, alors que Trump ambitionne un retour en 2024, Emmanuel Macron anticipe une Amérique moins engagée envers l’Europe, quel que soit le vainqueur de l’élection présidentielle américaine.
Une amitié fragile et un rapport de forces complexe
En 2017, les deux dirigeants, Macron et Trump, arrivèrent au pouvoir avec une vision du monde très différente, mais ils partagèrent une relation singulière. Dès juillet, Macron accueillit Trump avec une cérémonie fastueuse à Paris, mais malgré cette « lune de miel » diplomatique, les tensions se multiplièrent rapidement. Trump, souvent impulsif, exprima des critiques acerbes envers Macron, allant jusqu’à le ridiculiser.
De son côté, Macron essaya d’influer sur plusieurs décisions cruciales de Trump, comme le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat ou du traité nucléaire avec l’Iran, mais en vain. « Emmanuel Macron surestime sa capacité à inverser un rapport de forces défavorable grâce à sa séduction », analyse Nicole Bacharan, spécialiste des relations franco-américaines. Cette divergence idéologique mit rapidement fin à la proximité des deux leaders, avec une rhétorique de plus en plus tendue.
La quête d’autonomie de l’Europe face à un désengagement américain
Les relations franco-américaines sous Joe Biden furent marquées par un retour à une diplomatie plus traditionnelle, mais la méfiance demeure. Bien que Biden ait renforcé le soutien à l’Ukraine et travaillé avec les alliés européens, des décisions controversées ont secoué la confiance française. Parmi elles, le retrait chaotique d’Afghanistan, la formation de l’alliance AUKUS sans consultation avec la France et les lourds investissements du Inflation Reduction Act ont alimenté la perception d’une Amérique avant tout centrée sur ses intérêts nationaux.
Pour Emmanuel Macron, cette tendance s’inscrit dans un mouvement plus large. Lors d’un discours à la Sorbonne en avril dernier, il souligna que les États-Unis sont principalement concentrés sur leurs propres priorités et sur la question chinoise, laissant peu de place pour l’Europe dans leur politique étrangère. Ainsi, Macron plaide pour une Europe plus autonome, capable de prendre son destin en main sans dépendre des élections américaines.
Entre Harris et Trump, deux visions incertaines
Si Kamala Harris est élue, Paris espère une continuité par rapport à l’administration Biden, bien qu’une certaine prudence reste de mise. Une réélection de Trump, en revanche, pourrait radicaliser le désengagement américain en Europe. Trump, décrit comme un « requin » par Nicole Bacharan, pourrait durcir les relations franco-américaines, en particulier sur des dossiers sensibles comme l’Ukraine, le commerce ou le climat. « Quand Trump sent le sang, il blesse à mort », met en garde l’analyste.
Les diplomates français observent également de près les conseillers et stratèges qui pourraient influencer la politique étrangère américaine, car l’entourage des candidats, qu’ils soient isolationnistes ou interventionnistes, aura un rôle clé. « Les Européens doivent arrêter de se positionner en fonction des élections américaines et doivent prendre leur destin en main », résume un diplomate français.
Ainsi, alors que l’élection américaine se rapproche, la France, et plus largement l’Europe, se prépare à un avenir incertain, avec une Amérique de plus en plus tournée vers elle-même. Le retour de Trump ou l’arrivée de Harris ne sont pas tant perçus comme un changement de paradigme, mais comme une accélération de cette prise de conscience européenne : il est temps pour le Vieux Continent d’avancer avec ou sans le soutien de son allié historique.