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Libye : Le retour des menteurs

Pinocchio a de quoi être jaloux

L'homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine a répondu aux accusions de Nicolas Sarkozy ce mercredi sur BFMTV. L'ancien président de la République a été interrogé pendant deux jours à l'occasion d'une garde vue dans l'enquête sur des soupçons de financement de sa campagne présidentielle de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi.

Aujourd'hui, dans la presse écrite et à la télévision, Nicolas Sarkozy affirme que Ziad Takieddine est "un menteur et un manipulateur" lorsque l'homme d'affaires dit lui avoir remis de l'argent.

"Il faut regarder un petit peu qui est le menteur et le manipulateur", s'est offusqué l'homme d'affaires franco-libanais accusant Nicolas Sarkozy d'être "un vrai menteur".

Un peu plus tôt, sur FranceInfo, Ziad Takeddine déclarait "Je n'ai rien fait d'autre que de dire la vérité sur ce qui s'est passé avec les Libyens, avant la guerre et après la guerre, a poursuivi Ziad Takieddine. Il faut écouter les témoignages, c'est ce que la justice est en train de faire. (...) Le menteur, ce n'est pas moi."

Ziad Takieddine a répété avoir remis trois valises contenant cinq millions d'euros en provenance du régime de Kadhafi à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant. Mais "ce n'était pas du tout destiné à la campagne de Nicolas Sarkozy, dit-il. Ils étaient destinés au ministère de l'Intérieur, pour des raisons d'accords entre les deux pays concernant les échanges de services et d'informations. Il y a eu des transferts d'argent, des valises transportées." 

En savoir plus

Nicolas Srkozy : "Je suis accusé sans aucune preuve matérielle par les déclarations de M. Kadhafi, de son fils, de son neveu, de son cousin, de son porte-parole, de son ancien Premier ministre et par les déclarations de M. Takieddine."

Est-ce vrai ? Des témoins orientés et pas la moindre preuve matérielle. Si elle a pu un temps s’avérer efficace, au moins dans son camp, cette défense de Nicolas Sarkozy apparaît aujourd’hui de plus en plus friable. Sur les témoins d’abord. Contrairement à ce que prétend l’ancien président, tous ceux qui évoquent un financement occulte ne sont pas des proches de l’ancien «Guide». C’est le cas de Mohamed el-Megarief, chef de l’Etat libyen d’août 2012 à mai 2013 et opposant au régime, qui a confirmé l’hypothèse d’un financement occulte. «Oui, Kadhafi a financé la campagne électorale de Nicolas Sarkozy et a continué à le financer encore après 2007», écrit-il dans un livre paru en 2014.

Difficile aussi de croire à une déclaration à l’emporte-pièce de l’ancien ministre ­libyen du Pétrole, Choukri Ghanem, qui avait évoqué le versement de 6,5 millions d’euros destinés à Sarkozy, avant d’être retrouvé mort en 2012 dans le Danube. L’information a été consignée dans son carnet manuscrit à la date du 29 avril 2007. Quatre ans avant la guerre en Libye. Sur l’absence de preuve matérielle, Sarkozy marche aussi sur des œufs. L’enquête a en effet mis en lumière plusieurs opérations suspectes, dont un virement de 500 000 euros sur le compte de Claude Guéant. Les juges disposent aussi de nombreux documents saisis lors d’une perquisition menée en 2015 au domicile suisse d’Alexandre Djouhri, autre intermédiaire sulfureux de la sarkozie ayant joué un rôle clé en Libye. Actuellement en détention à Londres, ce dernier pourrait bientôt être extradé. Les juges s’interrogent en particulier sur la revente au prix fort d’une villa lui appartenant dans les Alpes-Maritimes au fonds libyen dirigé par Béchir Saleh, le grand argentier de Kadhafi. Une opération qui ressemble de plus en plus à une preuve matérielle.

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