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Logiciel espion israélien : Maroc, France, Hongrie... Des journalistes mis sous surveillance

Logiciel espion israélien : Maroc, France, Hongrie..

De nombreux smartphones de journalistes et militants du monde entier ont été espionnés par le biais d’un logiciel créé par une entreprise israélienne.

(Avec AFP) - Des journalistes du monde entier ont été espionnés grâce au logiciel espion Pegasus mis au point par l'entreprise israélienne NSO Group, selon une enquête publiée dimanche 18 juillet par un consortium de dix-sept médias internationaux, dont font notamment partie Le Monde, la cellule investigation de Radio France, The Guardian et The Washington Post.

Le travail de ce consortium se fonde sur une liste obtenue par les organisations Forbidden Stories et Amnesty International et qui comprend, selon eux, 50 000 numéros de téléphone que les clients de NSO ont sélectionnés depuis 2016 en vue d'une surveillance potentielle. Cette liste inclut les numéros d'au moins 180 journalistes d'après l'analyse menée par le consortium qui a localisé de nombreux numéros au Maroc, en France et en Hongrie.

Le logiciel espion Pegasus, s’il est introduit dans un smartphone, permet d’en récupérer les messages, les photos, les contacts, et même d’écouter les appels de son propriétaire. L’entreprise, fondée en 2011 et qui a régulièrement été accusée de faire le jeu de régimes autoritaires, a toujours assuré que son logiciel servait uniquement à obtenir des renseignements contre des réseaux criminels ou terroristes.

Le Maroc mis en accusation

Ainsi, d’après cette vaste enquête, environ 10 000 cibles sur les 50 000 ont été ajoutées par le Maroc. Parmi elles, le journaliste marocain Omar Radi, pour qui Amnesty international avait déjà dénoncé l’infection du téléphone en 2020, le directeur du journal Akhbar Al-Yaoum, Taoufik Bouachrine, les fondateurs du Desk et du site Badil, Ali Amar et Hamid El Mahdaoui, et l’ancien correspondant de l’AFP, Omar Brouksy.

Le régime marocain aurait également utilisé Pegasus pour viser une trentaine de journalistes et de patron de médias français. Ainsi, les rédactions du quotidien Le Monde, du Canard enchaîné, du Figaro, de France 24 ou encore de l'Agence France-Presse et de France Télévisions figureraient sur la liste des cibles, révèle le consortium.

Edwy Plenel, le fondateur du site d'informations en ligne Mediapart, et l'une de ses consoeurs Lenaïg Bredoux, Dominique Simonnot, ancienne enquêtrice du Canard enchaîné et désormais contrôleuse générale des lieux de privation de liberté ainsi qu’une journaliste du Monde, qui a souhaité rester anonyme, figurent parmi les journalistes français touchés.

« L'espionnage de mon téléphone et de celui de ma consoeur @LenaBred mène directement aux services marocains, dans le cadre de la répression du journalisme indépendant et du mouvement social », a réagi Edwy Plenel sur Twitter.

L'expertise technique de leurs téléphone dans un laboratoire d'Amnesty International a notamment « permis d'établir les dates précises de cet espionnage qui a duré plusieurs mois, en 2019-2020 », ajoute-t-il.

Outre le Maroc, la Hongrie du nationaliste Viktor Orban aurait également fait appel à Pegasus pour surveiller les activités de journalistes. Ainsi, parmi les 300 numéros figurant sur la liste pour le compte de la Hongrie, on retrouve « au moins cinq journalistes » du site d’investigation Direkt36. Ces derniers ont notamment enquêté sur « sur l’enrichissement des proches de Viktor Orban ou sur les relations que celui-ci entretient avec la Russie et la Chine », explique le journal Le Monde.

Le Maroc se défend

Interpellée par francetvinfo.fr, l’ambassade du Maroc en France souligne que : « Les autorités marocaines ne comprennent pas le contexte de la saisine par le consortium international de journalistes (Forbidden Stories) sollicitant les réponses et précisions du gouvernement marocain sur les outils de surveillance numérique de NSO group ».  Évoquant le cas d’Omar Radi, elle ajoute : « Les autorités marocaines demeurent depuis le 22 juin 2020 dans l’attente de preuves matérielles de la part d’Amnesty International qui a été incapable de prouver une quelconque relation entre le Maroc et NSO ».  

Le groupe NSO dément

Le groupe NSO a, comme à chaque fois, «nié fermement les fausses accusations portées» dans l’enquête. «Elle est bourrée de suppositions erronées et de théories non corroborées, les sources ont fourni des informations qui n’ont aucune base factuelle», a-t-il écrit sur son site, en précisant envisager de porter plainte en diffamation.

NSO est loin d’être la seule entreprise israélienne à être soupçonnée de fournir des logiciels espions à des gouvernements étrangers peu regardants sur les droits humains, avec le feu vert du ministère israélien de la Défense. Le logiciel «DevilsTongue» de la société Saito Tech Ltd, plus connue sous le nom de Candiru, a été utilisé contre une centaine de responsables politiques, dissidents, journalistes et militants, ont affirmé jeudi des experts de Microsoft et de Citizen Lab.

Des entreprises d’origine israélienne comme NICE Systems et Verint ont fourni des technologies aux polices secrètes de l’Ouzbékistan et du Kazakhstan, ainsi qu’aux forces de sécurité de Colombie, avait estimé en 2016 l’ONG Privacy International.

 

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