Tapant du poing sur le pupitre de l'hémicycle de l'ONU, Emmanuel Macron a exhorté mardi les dirigeants du monde à "ne pas s'habituer" à la montée des nationalismes, qui se nourrissent selon lui de l'accroissement des inégalités.
(AFP) - Le chef de l'Etat français n'a pas cité le nom de Donald Trump mais son discours devant l'Assemblée générale des Nations unies a été souvent l'exact opposé de celui prononcé, deux heures plus tôt, par le président américain.
"Certains ont choisi la loi du plus fort. Mais elle ne protège aucun peuple. Nous choisissons une autre voie: le multilatéralisme", a résumé Emmanuel Macron.
Le dossier iranien illustre cette profonde différence d'approche. Lorsque Donald Trump appelle la communauté internationale à "isoler le régime iranien", Emmanuel Macron prône "le dialogue" avec Téhéran.
"Qu'est-ce qui permettra de régler véritablement la situation en Iran ?, demande-t-il. "La loi du plus fort ? La pression d'un seul ? Non !"
"Nous savons que l'Iran était sur la voie du nucléaire militaire, mais qu'est-ce qui l'a stoppé ? L'accord de Vienne de 2015", poursuit-il. Une allusion implicite à la décision en mai de Donald Trump de quitter l'accord, le jugeant inopérant pour arrêter les programmes militaires iraniens.
Au lieu de renforcer les sanctions, comme Washington s'apprête à le faire en novembre, Paris veut donc continuer à discuter avec Téhéran d'un agenda plus large permettant de traiter toutes les préoccupations nucléaires, balistiques, régionales, causées par les politiques iraniennes.
Emmanuel Macron devait s'entretenir en fin d'après-midi avec son homologue iranien Hassan Rohani, que Donald Trump a exclu de rencontrer dans un proche avenir.
Au-delà des formules, l'Elysée souligne que les présidents français et américain, qui se sont rencontrés lundi soir, divergent sur "la méthode" mais s'accordent sur le fond, à savoir empêcher l'Iran de se doter de la bombe nucléaire.
"Impuissance"
Dans son discours, qu'il a terminé sous de vifs applaudissements, Emmanuel Macron s'est alarmé de la "crise profonde" que traverse "l'ordre international", symbolisée par "l'impuissance" dont est menacée l'ONU.
Ce constat rejoint celui du chef de l'ONU, Antonio Guterres, qui a déploré "un monde de plus en plus chaotique". Il a regretté que "le multilatéralisme soit autant critiqué au moment où il est le plus nécessaire".
Pour Emmanuel Macron, le "coeur du problème" est la montée des "inégalités profondes" ces dernières décennies. Et de citer les "250 millions d'enfants qui n'ont pas le droit à l'école", les "783 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté" ou les 200 millions de femmes qui n'ont pas accès à la contraception".
Or "la défiance dans nos sociétés se nourrit de toutes ces inégalités", a ajouté le président français, en appelant les grandes institutions internationales à "changer de méthode", sans entrer dans les détails.
Tout en saluant un discours "fort", l'ONG Oxfam a appelé le chef de l'Etat "à joindre bien davantage le geste à la parole (...) s'il veut être réellement crédible".
Emmanuel Macron, qui tente de se débarrasser de l'étiquette de "président des riches" qui lui colle à la peau en France, a fait de cette lutte contre les inégalités la priorité du G7 qu'il présidera en 2019.
En attendant, il aura de nouveau l'occasion de plaider pour la coopération internationale en recevant des dizaines de dirigeants pour célébrer le centenaire de la fin de la Première guerre mondiale le 11 novembre à Paris. Au Forum de la Paix, organisé le lendemain, il devrait de nouveau avertir que "le fracas des nationalismes conduit toujours à l'abîme".
Donald Trump a annoncé son intention d'y participer, selon l'Elysée.