Des organes de presse marocains s'émeuvent de l'arrivée d'un maire pro-Polisario à Mantes-la-Jolie. Maglor dégage le vrai du faux.
Les titres sont provoquants et alléchants : "Mantes-la-Jolie hérite d"un maire pro-Polisario mis en examen". Sauf que la réalité n'est pas aussi simple que cela. Décortiquons l'information présentée.
A Mantes-la-Jolie (Yvelines), le conflit qui a opposé le maire Raphaël Cognet (LR) à son mentor, ancien maire et actuel conseiller municipal et président du conseil départemental des Yvelines, Pierre Bédier (LR), s’est soldé par la démission. du premier. Depuis novembre, Raphaël Cognet avait fait part au préfet de sa volonté de démissionner, rapporte le Parisien, alors que les deux hommes (LR) et leurs partisans s’opposent aux options politiques.
Suite à cette démission du maire, c’est son premier adjoint Sidi El-Haimer qui est nommé, comme le veut la loi, maire par intérim par le préfet du département. Il n'est donc pas maire élu, mais remplit du coup une fonction administrative pour un temps limité. Il doit convoquer le conseil municipal afin qu'il élise un nouveau maire. Il est donc faux de dire que Mantes-la-Jolie hérite d'un nouveau maire.
L'affaire se complique car le nombre des démissions du conseil est important. Il faudra donc procéder à de nouvelles élections sous peu. Les résultats une fois connus, on pourra parler de "nouveau maire".
Mise en examen pour "falsification de témoins"
Il est exact de dire que Sidi El-Haimer est mis en examen, mais cette procédure judiciaire n'a rien à voir avec le fait qu'il serait pro-Polisario. Il est accusé et a été placé sous contrôle judiciaire en mars pour « falsification de témoins » Dans le cas du marché de Val-Fourré, où un dispositif contre le crime organisé a été mis en place entre 2010 et 2019, Sidi El-Haimer est soupçonné de “comportements inappropriés” et d’avoir émis des “menaces d’incitation des personnes qui se sont plaintes de crime organisé”. retirer leur plainte », estime Maryvonne Caillibotte, procureur de la République de Versailles. Au total, pas moins de 2 millions d’euros ont été extorqués aux commerçants en près de 10 ans. Mais, l'accusé bénéficie de la présomption d'innocence.
Un militant pro-Polisario ?
D'origine marocaine, Sidi El-Haimer est présenté comme le fils du trésorier du Front Polisario. C'est ce qui lui vaut d'être soupçonné d'être un partisan de cette organisation. Mais ceux qui le considèrent comme tels n'avancent aucun fait précis où il aurait manifesté un quelconque activisme en ce sens. C'est pourquoi certains médias marocains avancent avec prudence et le qualifié de "présumé pro-Polisario".
En fait, le maire par intérim de Mantes-la-Jolie est un ami politique de Pierre Bédier, président du Conseil départemental des Yvelines et membre influent de la galaxie Les Républicains qui soutient Valérie Pécresse pour la présidentielle. El-Haimer a été l'assistant parlementaire du député Pierre Bédier.
Pierre Bédier s'est porté garant d'El-Haimer, assurant que ses affinités politiques ne témoignaient pas de sympathie pour la lutte « pro-sahraouie ». Il affirme même avoir menacé son ami politique de l’exclure de la majorité municipale s’il « menait une manifestation pro-Polisario » et rapportait cette polémique au Conseil municipal du temps où il était maire de Mantes-la-Jolie.
Un contexte politique local trouble
L'affaire du maire par intérim de Mantes-la-Jolie doit être replacé dans son contexte politique et de luttes fratricides entre gens du même parti. Le maire démissionnaire est aujourd'hui opposé au président du conseil départemental.
Dans les années 1990, Pierre Bédier s’est constitué un fief électoral inexpugnable à Mantes-la-Jolie, en s’appuyant sur les communautés marocaine et sénégalaise par le truchement d’une multitude d’associations qu'il subventionne largement. La Cour des comptes lui a d'ailleurs reproché ce clientélisme.
Dans un article récent publié par Maglor, Fouad Laroui tirait déjà la sonnette d'alarme, tout en reprenant la thèse de la proximité de Sidi El-Haimer avec le Polisario :
"Tout d’abord, un chiffre: les Yvelines sont le département français qui compte le plus de résidents marocains: ils sont 60.000. (Et encore, on ne parle que de ceux qui y résident légalement et sont enregistrés au Consulat du Maroc.) Cela est dû au fait que les Yvelines abritent une bonne partie de l’industrie automobile française. Celle-ci alla chercher des milliers d’ouvriers au Maroc, il y a quelques décennies, et ils firent souche dans les environs à la faveur du regroupement familial. Leurs enfants ont connu des fortunes diverses, certains ont réussi, d’autres pas. Les émeutes de 1991 au Val Fourré, à l’ouest de la ville, sont encore dans toutes les mémoires.
Et voici le plus extraordinaire: cette ville que peu de gens sauraient placer sur une carte est devenue un terrain d’affrontement entre le Royaume du Maroc et le front Polisario! Dit comme ça, et vu le nombre de Marocains dans les Yvelines, on pourrait croire qu’il s’agit d’un combat opposant un éléphant et une puce. Que nenni, mon bon lecteur, que nenni! Car ledit Polisario compte trois alliés de choc: la désorganisation des Marocains, l’ignorance des autochtones (même ceux qui sont de bonne foi) et un cheval de Troie, ou plutôt un chameau de Troie, le premier adjoint du maire, qui n’est autre que le fils d’un haut responsable du Polisario –son ancien trésorier, en fait." (Fouad Laroui)
En conclusion, Mantes-la-Jolie n'a pas élu un maire supposé pro-Polisarion. Les élections municipales vont avoir lieu bientôt. La communauté marocaine est d'un poids important dans l'électorat de cette commune. On verra alors comment votent les Franco-Marocains de Mantes-la-Jolie. Mais on peut penser que la mise en examen de Sidi El-Haimer pèsera lord dans la décision des électeurs.
https://maglor.fr/maroc/la-bataille-de-mantes-la-jolie-par-fouad-laroui