Le président Donald Trump a annoncé hier, sans grande surprise, son désengagement du traité de Vienne de 2015. Il a également annoncé le rétablissement des sanctions contre l’Iran.
Sa décision était très attendue. Donald Trump a annoncé ce mardi le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, au risque d’ouvrir une période de vives tensions avec ses alliés européens et d’incertitudes quant aux ambitions atomiques de Téhéran.
Quinze mois après son arrivée au pouvoir, le 45e président des Etats-Unis a décidé, comme il l’avait promis en campagne, de sortir de cet accord emblématique conclu en 2015 par son prédécesseur démocrate Barack Obama après 21 mois de négociations acharnées.
«Aujourd'hui nous avons la preuve définitive que la promesse iranienne était un mensonge», a martelé Donald Trump. «Le futur de l'Iran appartient à son peuple» qui mérite un «meilleur» gouvernement, a-t-il aussi estimé, dans une formule qui alimente les spéculations sur la volonté de Washington de faire tomber in fine le régime iranien.
Le rétablissement des sanctions
Concrètement, Donald Trump a choisi l'option la plus radicale: toutes les sanctions levées en contrepartie de l'engagement pris par la République islamique de ne pas se doter de l'arme nucléaire sont rétablies. «Immédiatement» pour les nouveaux contrats, et d'ici le 6 août ou le 4 novembre pour les entreprises, y compris étrangères, déjà présentes en Iran, qui ont donc trois à six mois pour en «sortir» avant d'être frappées par les mesures punitives leur barrant l'accès aux marchés américains.
«Tout pays qui aidera l'Iran dans sa quête d'armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les Etats-Unis», a mis en garde le président septuagénaire. Son conseiller à la sécurité nationale John Bolton a même laissé planer la menace de «sanctions supplémentaires» pour «mettre le plus de pression économique possible sur l'Iran».
Autrement dit, il sera très risqué pour une entreprise européenne de maintenir ses investissements en Iran. Cela devrait compliquer la tâche des signataires européens de l'accord de 2015, qui espèrent encore sauver les meubles même en l'absence des Américains.
Si le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a indiqué qu’il soutenait « totalement » la décision « courageuse » de Donald Trump, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont regretté ce choix. Dans une déclaration conjointe, Emmanuel Macron, Theresa May et Angela Merkel ont déclaré avoir pris note de la décision de Donald Trump, avec « regret et préoccupation ».
Le risque d’une escalade au Moyen-Orient ?
L’allocution du président des Etats-Unis était très attendue au Moyen-Orient où beaucoup redoutent une escalade avec la République islamique mais aussi de l’autre côté de planète, en Corée du Nord, à l’approche du sommet entre Donald Trump et Kim Jong Un sur la dénucléarisation de la péninsule.
A l’exception des Etats-Unis, tous les signataires ont défendu jusqu’au bout ce compromis qu’ils jugent « historique », soulignant que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a régulièrement certifié le respect par Téhéran des termes du texte censé garantir le caractère non militaire de son programme nucléaire.
Le chef de la diplomatie allemand Heiko Maas a dit redouter « qu’un échec ne conduise à une escalade » au Moyen-Orient.
En contrepartie des engagements pris par Téhéran, Washington a suspendu ses sanctions liées au programme nucléaire iranien. Mais la loi américaine impose au président de se prononcer sur le renouvellement de cette suspension tous les 120 ou 180 jours, selon le type de mesures punitives. Certaines suspensions arrivent à échéance samedi, mais le gros d’entre elles restent en théorie en vigueur jusqu’à mi-juillet.
L’accord sur le nucléaire est-il pour autant mort et enterré ? Rien n’est moins sûr, affirme Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire CPGE et coauteur des États-Unis et le monde (1823-1945) aux éditions Atlande (2018). « Preuve en est, la réponse des Européens et du (président iranien Hassan) Rohani et qui montre que l’accord n’est pas mort. C’est une situation très étrange. Les États-Unis risquent de se retrouver hors jeu dans une problématique d’ordre mondial et dans des négociations internationales majeures », affirme ce spécialiste de la politique américaine. « Les Iraniens pourraient jouer la carte de la patience stratégique pour essayer de fracturer le bloc Europe/États-Unis. L’accord peut survivre, même fortement affaibli et vidé de sa substance. L’Iran pourrait aussi attendre les prochaines échéances électorales aux États-Unis », semble confirmer Vincent Eiffling, chercheur au Centre d’étude des crises et des conflits internationaux (Cecri) à l’Université de Louvain, à Bruxelles.
Les faucons proches du président américain, résolument anti-iraniens, devraient pouvoir se réjouir des arguments énoncés hier soir pour justifier ce retrait. À savoir, la politique régionale de la République islamique, « principal sponsor étatique de la terreur » qui soutient des « terroristes et des milices comme le Hezbollah, le Hamas, les talibans et el-Qaëda ». Le président américain a également évoqué avoir la « preuve » selon laquelle le régime iranien a menti sur ses activités nucléaires. « Trump s’est appuyé sur les pseudo-révélations de Netanyahu la semaine dernière, et d’ailleurs largement désavouées par la communauté internationale, y compris par ses partenaires du traité. Il y a constamment un raisonnement à côté du sujet, depuis son arrivée à la Maison-Blanche », explique M. Sellin. Même son de cloche pour M. Eiffling, qui qualifie les arguments présidentiels de « fragiles, voire malhonnêtes ».
Quant à la base électorale du président américain, elle aussi doit être satisfaite. Une partie de ses partisans – alors qu’une bonne tranche de la population américaine est contre le retrait américain de l’accord – sont évangélistes et estiment cruciale la protection d’Israël. « Le jour de l’arrivée du Messie coïncide avec l’établissement du royaume entier d’Israël », rappelle Vincent Eiffling. Plus encore, le président américain semble plus que tout tenir à plaire à cet électorat. « Il y a chez lui quelque chose qui confine à l’obsession, à l’idée de ne pas vouloir être pris en défaut sur des promesses faites à son électorat blanc et appartenant à la classe ouvrière qui l’a porté au pouvoir, quitte à ce qu’il y ait des répercussions totalement déstabilisatrices sur une région entière », avance M. Sellin.