L'enseigne de grande distribution française Intermarché proposait jeudi une promotion sur des pots de la célèbre pâte à tartiner chocolatée. Ce qui a déclenché de véritables émeutes dans plusieurs magasins du Grand Est.
Des pots de Nutella de 950 grammes à 1,41 euro au lieu de 4,50 euros, soit près de 70% de réduction du prix habituel, voilà qui a littéralement fait péter les plombs des clients. La bonne affaire s'est arrachée en quelques minutes seulement dans la matinée.
Bousculades, foire d'empoigne, coups... des employés de plusieurs Intermarché ont témoigné de scènes ubuesques. Par exemple, dans le département de la Loire, « les gens se sont battus, ils se sont jetés sur la personne qui transportait les pots de Nutella sur une palette », relate le quotidien régional Le Progrès sur son site internet.
Dans un autre magasin, « ils se sont acharnés comme des animaux. Une femme s'est fait tirer les cheveux, une dame âgée a pris un carton sur la tête, une autre avait la main en sang », selon une cliente interrogée.
Même folie en Moselle. « Les gens se sont rués dessus, ils ont tout bousculé, ils en ont cassé. C'était l'orgie ! », d'après une employée d'un Intermarché de Forbach. « On était à deux doigts d'appeler la police. »
Pire que durant les soldes, certains étaient semble-t-il venus la veille afin de « planquer des pots » pour être sûrs d'en avoir. Selon Le Progrès, l'opération devrait quand même être renouvelée vendredi et samedi...
Des vidéos ont été postées sur les réseaux sociaux, rapidement devenues virales. Sur Twitter, où le sujet était le plus commenté de la journée, nombreux sont ceux qui ont exprimé leur « honte » devant de telles images.
Pourquoi le Nutella fait-il à nouveau polémique ?
Le Nutella est-il mauvais pour la santé ? Il y a un an déjà, Ferrero, l’entreprise italienne qui le fabrique, était sous le feu des critiques pour utiliser de l’huile de palme dans sa recette. La polémique autour de la fameuse pâte à tartiner au chocolat ressurgit aujourd’hui.
Une communication en forme de contre-attaque de Ferrero
C’est la nouvelle publicité de Nutella, diffusée en Italie, qui fait jaser. Dans les spots télévisés et les journaux transalpins, Ferrero, le groupe qui produit la fameuse pâte à tartiner au chocolat, s’efforce de jouer la transparence sur la fabrication de son produit phare. Dans la publicité, qui a été filmée dans la principale usine de la marque à Alba au Nord de l’Italie, Ferrero assure que son produit est « sain et sûr ». Une manière pour Ferrero de contrer la mauvaise publicité survenue après la publication en mai dernier d’une étude réalisée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) qui a révélé que l’huile de palme, l’un des composants essentiel du Nutella, était cancérogène. Suffisant pour discréditer le produit et semer le trouble auprès des consommateurs.
Mais Ferrero assume et prend le risque de remettre sur la table ce délicat sujet. « Les géants de l’agroalimentaire sont de vraies machines de guerre, note Laurent Vibert, expert en communication de crise au cabinet Nitidis, interrogé par 20 Minutes. Ils ne se lancent pas dans une telle stratégie de communication offensive sans avoir des billes pour contrecarrer point par point les argumentaires qui les condamnent. Prendre la main sur le sujet de l’huile de palme, c’est aussi pour Nutella une manière de désamorcer de futures crises qui pourraient être provoquées. »
« Onctuosité et stabilité unique de la recette »
Il y a un an pourtant la polémique née des doutes émis par l’Efsa avait eu un lourd retentissement. Aussitôt, « par précaution », la plus grande chaîne de supermarchés, Coop, a boycotté l’huile de palme dans tous ses produits. Le puissant industriel italien, Barilla, l’a également éliminé et a mis des étiquettes « sans huile de palme » sur ses marchandises.
La principale association agricole italienne Coldiretti et le magazine alimentaire en ligne Il Fatto Alimentaire ont appelé toutes les entreprises alimentaires à cesser d’utiliser cette huile. En France, la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal avait recommandé d’en faire de même avant de rétropédaler. Depuis, Ferrero a décidé de contre-attaquer avec une nouvelle campagne de communication autour du Nutella.
Nutella s’est lancé dans une nouvelle offensive de communication défendant l’utilisation de l’huile de palme. (Photo : Jérôme Fouquet/Ouest-France)
Dans la fabrication du Nutella, l’huile de palme n’atteint jamais les 200 degrés, assure la firme italienne. « L’huile de palme que nous utilisons est sûre parce qu’elle provient de fruits fraîchement pressés et est traitée à des températures contrôlées », martèle le directeur des achats de Ferrero, Vincenzo Tapella, dans un entretien accordé à l’agence Reuters.
Dans cette dépêche publiée par l’agence d’informations, on apprend que l’huile de palme est l’huile végétale la moins chère : environ 800 dollars la tonne, comparativement à 845 dollars pour l’huile de tournesol et 920 dollars pour l’huile de colza, des substituts suggérés à Ferrero.
Or, l’entreprise italienne utilise environ 185 000 tonnes d’huile de palme par an, un remplacement de composant pourrait mener à un surcoût oscillant entre 8 et 22 millions de dollars pour Ferrero si elle devait remplacer l’huile de palme dont elle affirme, en outre, qu’elle « garantit l’onctuosité et la stabilité unique » de sa recette.
Qu’est-ce que l’huile de palme ?
L’huile de palme est une huile végétale issue du palmier à huile. Les fruits de cet arbre abritent un noyau blanc. (Photo : AFP)
L’huile de palme est une huile végétale issue du palmier à huile. Les fruits de cet arbre, de couleur jaune et orangée et de la taille d’une grosse noix, sont récoltés par grappes avant d’être séparés puis ouvert. Ils abritent un noyau blanc. Chacun de ces fruits contient environ 30 à 35 % d’huile, selon les données de l’European palm oil alliance (Epoa), qui rassemble des organes nationaux d’analyse sur la production d’huile ainsi que de gros producteurs tels que Cargill ou Unigra. Elle est extraite par pression à chaud. Une différence existe entre l’huile de palme et l’huile de palmiste.
La première est issue du fruit, la seconde du noyau. Le palmier à huile, arbre tropical, pousse dans les régions proches de l’équateur. Les palmeraies d’où est issue l’huile de palme consommée se trouvent principalement en Indonésie et en Malaisie, producteurs de 80 % des stocks, mais on en trouve également en Amérique latine et en Afrique de l’Ouest.
Pourquoi l’huile de palme est-elle si prisée dans l’agroalimentaire ?
La consommation d’huile de palme s’élèverait à 52 millions de tonnes, soit 28 % de la consommation mondiale d’huiles et de graisses. L’huile de palme est la plus prisée, devant l’huile de soja. Son atout principal réside dans sa rentabilité : un palmier à huile produit environ 40 kg d’huile par an, pour une durée de vie de trente ans.
La production demande moins de surface que d’autres huiles, telle que celle issue du soja. Du fait de son rendement, son prix est également inférieur à celui d’autres huiles végétales. Autre avantage : l’huile de palme résiste bien à la cuisson et est solide à température ambiante.
Quels problèmes écologiques pose-t-elle ?
Pour la culture du palmier à huile, des millions d’hectares de forêts ont été détruits. (Photo : Reuters)
Face à une hausse très importante de la consommation depuis une vingtaine d’années, les pays producteurs ont augmenté les espaces dédiés à la culture du palmier à huile. De 15,2 millions de tonnes en 1995, la production d’huile de palme est passée à 56 millions de tonnes en 2013. D’ici 2020, elle pourrait largement dépasser les 60 millions à raison d’une hausse annuelle de 2,5 %.
D’après WWF, 12 millions d’hectares de terre sont désormais couverts de palmiers à huile, soit un tiers de l’Allemagne. Pour assurer ce niveau de culture, des millions d’hectares de forêts ont été détruits. L’ONG précise qu’au total, 90 % des forêts d’Indonésie, où un million d’hectares disparaît chaque année, de Malaisie, de Bornéo et de Sumatra ont été décimées.
Est-elle dangereuse pour la santé ?
Si l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) considère que oui, l’Agence n’a le pouvoir d’en interdire ni l’utilisation, ni la consommation. L’Efsa appelle à des recherches plus poussées sur la question avant, peut-être, une décision de la Commission européenne sur le sujet qui devrait intervenir d’ici à la fin de cette année.
Le risque qu’elle fait courir sur la santé est lié au fait qu’elle contient 45 % d’acides gras saturés, qui provoquent des problèmes vasculaires. Néanmoins, les spécialistes ne sont pas tous d’accord à ce propos. L’huile de palme a aussi des avantages nutritionnels, notamment par rapport aux acides gras transformés, présents dans les huiles végétales hydrogénées. Aux États-Unis, ces substances interdites sont remplacées par l’huile de palme. Et d’autres matières grasses contiennent davantage d’acides gras saturés. Le problème est qu’il est très difficile de contrôler la quantité que l’on en consomme car l’huile est utilisée dans un très grand nombre de produits alimentaires.
Selon WWF, un palmier à huile est nécessaire pour couvrir la consommation annuelle d’une famille française. La recherche approfondie sur le contaminant - connue sous le nom de GE - a été commandée par la Commission européenne en 2014 après une étude de l’EFSA l’année précédente, sur les substances générées lors du raffinage industriel, a été identifiée comme potentiellement dangereux et cancérogène. La commission européenne étudie la question et prévoit des mesures qui doivent être annoncées dans le courant de l’année.