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Algérie : l’éternel casse-tête du « couffin du Ramadan »

Les aides directes publiques aux plus précaires durant le mois sacré provoquent souvent colère et sentiment d’humiliation. Un reportage de MEE.

À l’approche du mois de Ramadan, chaque année depuis près de dix ans, les médias algériens ont un sujet récurrent à traiter : les scandales et les dysfonctionnements dans la distribution du « couffin de Ramadan », aide en nature pour les familles les plus précaires.

Ces colis comportent des denrées alimentaires – sucre, huile, semoule, céréales et légumes secs – et les listes des bénéficiaires sont établies et mises à jour par les Scouts musulmans algériens, en coordination avec les mairies. Rien qu’à Alger, un peu plus de huit millions de dinars (58 000 euros) ont été déboursés pour cette opération ciblant près de 2 000 familles dans le besoin. 

« Il a fallu l'arrivée du Ramadan pour que le ministère de la Solidarité nationale reconnaisse l'existence de 1,6 million de familles, si ce n'est plus, dans le besoin selon le sondage de 2014 », écrit le quotidien La Nouvelle République qui accuse : « La dignité des nécessiteux est vraiment reléguée au dernier rang. Les citoyens s'interrogent : où va réellement le couffin du Ramadan ? En effet, certains profitent de la misère des gens pour accaparer le couffin du pauvre sans aucun scrupule, et ce même scénario revient chaque année ».

Humiliation 

Mardi dernier, le maire d’une petite commune à Mascara, à l’ouest du pays, a carrément démissionné, un fait rare, se plaignant des « pressions » qu’il subit de la part de ces concitoyens à cause de la réduction au minimum de la liste des bénéficiaires du couffin du Ramadan. 

Mais le pire pour les pauvres bénéficiaires de cette aide publique reste « l’humiliation » qu’ils subissent, selon l’enquête publiée ce mercredi 16 mai par le quotidien El Khabar. Le journal rend compte de la colère des bénéficiaires de cette aide, certaines mairies utilisant des camions-poubelles pour distribuer le fameux colis. 

Dans une autre wilaya (préfecture), à Bouira en Kabylie, le wali s’est étonné du manque de 3 000 colis sur les 43 000 prévus dans sa juridiction. À l’ouest, dans la commune de Souk el-Had, un homme a tenté de s’immoler dans la mairie pour avoir été exclu des listes des bénéficiaires. 

Le journal El Khabar revient aussi sur d’autres images humiliantes, comme le fait d’être obligé d’attendre dans de longues queues, pendant des heures, ou bien l’attitude de certains élus ou d’autres personnes de passage pour… se prendre en selfie avec les bénéficiaires ! 

L’enquête du journal cite aussi les griefs des familles dans le besoin, comme la mauvaise qualité des denrées alimentaires distribuées ou les dates de péremption dépassées. 

Mieux cibler les défavorisés

« Pourtant, de nombreux responsables dans les 1 541 communes du pays tentent d’améliorer le fonctionnement de ce dispositif pour éviter les postures humiliantes pour ces pères et mères de famille dans le besoin », précise le journal. 

Par exemple, en demandant de transformer ce colis en aide pécuniaire versée directement sur les comptes postaux des familles nécessiteuses, comme cela a été promis par l’ancien ministre de la Solidarité Djamel Ould Abbès en … 2009. En vain. L’association des imams algériens a proposé de son côté de copier le système de transfert d’argent de la zakat qui fonctionne assez bien depuis dix ans. 

Les autorités ont prévu de lancer une carte de rationnement électronique vers 2020 afin de mieux cibler les subventions en général, dans l’optique de la nouvelle orientation économique et de la sortie du tout subventionné. 

Mais plusieurs experts doutent déjà de l’efficacité de ce dispositif en l’absence de véritable cartographie claire et transparente des couches sociales et de leur besoin dans un pays où l’informel et la fuite fiscale restent prépondérants.

MEE - Middle East Eye

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