L’Algérie franchit un tournant décisif dans la modernisation de son économie en interdisant les paiements en espèces pour certaines transactions importantes. Cette réforme, introduite par l’article 207 de la loi de finances 2025, s’inscrit dans une stratégie globale visant à renforcer la transparence financière, lutter contre l’économie informelle, et encourager la bancarisation.
Les transactions concernées
La réforme, officiellement mise en œuvre le 7 janvier 2025 par la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité, interdit désormais les paiements en espèces dans quatre catégories de transactions :
- L’achat et la vente de biens immobiliers bâtis ou non bâtis.
- L’acquisition de véhicules, engins et équipements industriels auprès des concessionnaires.
- L’achat de yachts et de bateaux de plaisance.
- Le paiement des polices d’assurance obligatoires.
Ces opérations devront être effectuées exclusivement via des moyens bancaires ou électroniques, garantissant ainsi une traçabilité totale des flux financiers.
Objectifs et enjeux de la réforme
Cette mesure cible plusieurs priorités :
- Lutte contre le blanchiment d’argent. En réduisant les transactions en espèces, souvent associées à des activités illicites, l’Algérie renforce la transparence dans des secteurs sensibles comme l’immobilier et l’automobile.
- Réduction de l’évasion fiscale. La traçabilité permet un meilleur contrôle des revenus, contribuant à accroître les recettes fiscales.
- Promotion de la bancarisation. Cette initiative encourage l’intégration des citoyens et des entreprises dans le système bancaire formel, dans un pays où l’économie informelle demeure largement prépondérante.
Une diaspora directement affectée
Les Algériens résidant à l’étranger, qui investissent souvent dans leur pays d’origine, sont particulièrement concernés. Désormais, les achats immobiliers ou de véhicules devront passer par des circuits bancaires formels. Or, l’ouverture de comptes bancaires en Algérie est généralement réservée aux résidents, rendant ces transactions plus complexes pour la diaspora.
Cette restriction limite aussi le recours au marché noir pour les devises, obligeant les expatriés à respecter des démarches plus rigoureuses. Cela pourrait ralentir les investissements des membres de la communauté algérienne à l’étranger.
Bancarisation : un défi logistique et culturel
Malgré la circulation de plus de 20 millions de cartes bancaires dans le pays, leur utilisation reste limitée : seulement 58 000 terminaux de paiement électronique (TPE) sont disponibles pour un million de commerçants.
Les paiements en espèces, profondément ancrés dans les habitudes des Algériens, représentent un obstacle culturel à surmonter. Des campagnes de sensibilisation, combinées à un effort pour moderniser les infrastructures bancaires, seront nécessaires pour garantir le succès de cette transition.
Une réforme prometteuse, mais complexe
L’interdiction des paiements en espèces pour des transactions majeures marque une étape importante dans la modernisation de l’économie algérienne. Toutefois, son succès dépendra de la capacité des autorités à relever les défis logistiques, à sensibiliser la population et à offrir un accès bancaire inclusif, notamment pour la diaspora.
Cette réforme, bien que contraignante, constitue un pas vers une plus grande transparence économique et une intégration accrue de l’Algérie dans l’économie mondiale.