
Maglor - Lancé en 2015 sous l’ère Bouteflika, le projet du port d’El Hamdania, présenté comme une future plaque tournante du commerce méditerranéen, connaît un tournant stratégique inattendu. L’Algérie aurait renoncé à confier sa réalisation à la Chine, au profit d’un acteur européen : le groupe français CMA CGM. Un choix qui ne doit rien au hasard, tant les enjeux de ce projet dépassent le simple cadre économique.
Un projet phare remis à plat
Avec ses 23 quais et une capacité prévue de 6,5 millions de conteneurs par an, El Hamdania était conçu pour rivaliser avec le complexe portuaire marocain Tanger-Med, devenu en deux décennies un hub incontournable du commerce euro-africain. Pékin, via China Harbour Engineering Company (CHEC), avait été pressentie comme partenaire de construction.
Mais, selon une révélation du quotidien L’Opinion, reprise après une interview du président Abdelmadjid Tebboune, l’Algérie aurait écarté la Chine du projet, une décision surprenante étant donné la solidité des relations sino-algériennes dans le domaine des infrastructures.
CMA CGM en embuscade
À la place, c’est la société CMA CGM, géant mondial du transport maritime, qui semble aujourd’hui tenir la corde. Son PDG, Rodolphe Saadé, a été reçu le 2 juin dernier par le président Tebboune. Le groupe français, déjà très actif au Maroc, notamment à Nador West Med et Tanger-Med, pourrait ainsi opérer sur les deux rives du Maghreb.
Bien que CMA CGM ne construise pas directement de ports, son expertise dans la gestion des terminaux pourrait repositionner le projet d’El Hamdania comme un partenariat public-privé d’envergure, centré sur l’exploitation portuaire plutôt que sur la simple maîtrise d’œuvre.
Une manœuvre diplomatique calculée ?
Ce revirement s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large. Il pourrait être lu comme un message adressé à la Chine : l’Algérie entend rappeler à Pékin que ses partenariats économiques peuvent évoluer selon ses intérêts diplomatiques, notamment sur la question du Sahara occidental.
Pékin, tout en gardant une posture équilibrée, renforce ses liens avec Rabat. En novembre 2024, le président Xi Jinping a réaffirmé au prince héritier Moulay El Hassan sa volonté de renforcer le partenariat stratégique sino-marocain. Une proximité qui n’échappe pas à Alger.
En réponse, l’Algérie semble chercher à diversifier ses alliances, comme l’atteste aussi le renforcement récent de sa coopération économique avec le Royaume-Uni.
Une rivalité régionale qui s’intensifie
Cette évolution illustre une nouvelle compétition intra-régionale. Le Maghreb n’est plus seulement en concurrence avec d'autres régions d'Afrique ou d’Asie, mais voit désormais ses pays voisins s’affronter sur le terrain stratégique des infrastructures logistiques.
Alors que le Maroc consolide sa position de leader portuaire avec des projets bien structurés et une visibilité internationale, l’Algérie mise sur une réorientation diplomatique et économique, cherchant à attirer des investisseurs européens dans ses grands projets.
Vers une recomposition des équilibres
La mise à l’écart de la Chine sur le projet d’El Hamdania est loin d’être anecdotique. Elle pourrait marquer le début d’une recomposition des alliances économiques en Méditerranée occidentale, où chaque infrastructure devient une pièce stratégique sur l’échiquier diplomatique.
Derrière les grues et les conteneurs, ce sont bien des choix de souveraineté, d’influence et de positionnement géopolitique qui se dessinent.