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Linda, ses grands-pères et la guerre d'Algérie, histoire d'un apaisement

Linda, 27 ans, aime raconter l'amitié entre ses deux grands-pères, pourtant dans des camps opposés durant la guerre d'Algérie, une histoire qui porte la possibilité d'un apaisement malgré les traumatismes de la colonisation et des combats.

(AFP) - "Dans ma famille, il n'y a pas eu de discours haineux après la guerre", confie cette Française, fondatrice d'une entreprise de production audiovisuelle près de Cannes, dont un grand-père fut un fervent soutien du mouvement luttant pour l'indépendance de l'Algérie et l'autre, harki, enrôlé comme supplétif algérien des troupes françaises.

"Quand mon grand-père harki est mort, mon grand-père indépendantiste a pleuré. Après le mariage de mes parents, après la guerre, ils étaient devenus comme des frères", poursuit Linda, rencontrée à Marseille où elle présentait les propositions du groupe "Regards de la jeune génération sur les mémoires franco-algériennes".

Soixante ans après les accords d'Evian du 18 mars 1962, Linda est engagée avec beaucoup d'énergie dans ce collectif créé dans la foulée du rapport de l'historien Benjamin Stora sur la colonisation française en Algérie et la guerre d'indépendance (1954-1962).

Leurs grands-parents ont combattu pour ou contre l'indépendance, étaient musulmans, juifs, pieds-noirs (Européens installés en Algérie sous la colonisation et rapatriés en 1962). Chacun est arrivé avec sa mémoire d'un conflit qui fit 500 000 morts dont 400 000 Algériens, selon les historiens. 

"Malgré les contradictions que nous portions au départ, il y a toujours beaucoup de bienveillance", apprécie Linda, longs cheveux de jais, pull gris et leggings noirs. Comme tous les membres du groupe, qui veulent préserver leurs proches d'un débat sur l'Algérie parfois très blessant, elle préfère que son nom de famille ne soit pas publié.

"Linda porte un message en tant que personne, celui de la réconciliation et de la fraternité qui dépasse le conflit passé", souligne Valentin, titulaire d'un master d'histoire, qui participe aux échanges.

"Pour moi, elle est une forme de matérialisation à la fois concrète et symbolique de ce à quoi on devrait tendre", ajoute celui qui regrette que beaucoup de gens en France "comprennent mal" l'histoire franco-algérienne et "la retournent politiquement", malgré le travail rigoureux des historiens.

Leur groupe a donc formulé des propositions pour que la société, notamment la jeunesse, ne tombe pas dans le piège des "mauvaises informations": enseignement incontournable à l'école de la colonisation et de la guerre, office franco-algérien de la jeunesse, comme celui créé entre la France et l'Allemagne, etc.

«Cheminement»

Malgré ses racines, Linda ne s'est pas "intéressée d’un coup à cette histoire, ça a été un cheminement". Comme ce jour où, au collège, des camarades lancent "harki, ça veut dire traître". "Ca me heurte, personne n'avait jamais dit ça dans ma famille, même pas du côté indépendantiste".

"J'ai commencé à me poser des questions, à apprendre davantage sur la colonisation, je voulais revenir à la source de cette guerre", se souvient-elle.

Elle découvre l'histoire de son grand-père maternel harki, qui s'était engagé dans l'armée française comme cuisinier, espérant être protégé du tourbillon de violences lié au conflit. "Un homme qui vivait dans sa campagne, qui ne voulait faire de mal à personne, mais s'est retrouvé pris en tenaille entre deux camps", puis maltraité par l'un et l'autre, dit-elle.

"En 1962, il s'est réjoui de l'indépendance", mais comme des milliers de Harkis, lui, sa femme et leur fille de deux ans, la mère de Linda, devront partir pour la France. Ballotés dans de sommaires centres de transit, ils atterriront à Timgad, un camp établi en périphérie de Mouans-Sartoux, près de Cannes. 

Du côté paternel, Linda n'a pas eu le temps de poser toutes les questions qu'elles voulait. Encore jeune, elle a perdu père et grand-père. Elle sait à quel point son père était fier de l'indépendance de l'Algérie, ce pays "magnifique" qu'elle a visité trois fois. "Mais il m'apprenait à respecter mon pays, la France".

Linda conserve précieusement le carnet de rapatriés de ses grands-parents maternels retrouvé récemment, qui liste ce qu'ils laissèrent en Algérie: des meubles, deux vaches, quelques chèvres. Elle est reconnaissante à cette grand-mère, qu'elle adore et "qui refuse la victimisation", d'avoir organisé des fêtes au camp de harkis.

Ce lieu symbole de la dureté des conditions d'arrivée en France, "elle l'a transformé en quelque chose de positif". "Humblement", Linda espère que le travail de leur groupe servira aussi à construire une meilleure compréhension au-delà des souffrances multiples du passé.

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