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Une lecture critique de l'expansion territoriale de l'Algérie sous la colonisation française

Maglor - Le débat autour de l'évolution des frontières de l'Algérie sous la colonisation française continue de susciter des interrogations historiques. Un document de 1914, signé Paul Meuriot et publié dans le Journal de la Société Statistique de Paris, éclaire les dynamiques administratives et démographiques de l'Algérie coloniale, révélant des réalités souvent ignorées ou occultées.

Une population éparse sur un territoire fragmenté

Selon Meuriot, en 1914, l'Algérie comptait 5 563 000 habitants, avec une densité moyenne de 9,6 habitants par kilomètre carré. Cette densité, très faible, illustre la disparité de peuplement entre les différentes régions. Sur une superficie totale fixée officiellement à 575 000 km² (chiffres du ministère français de l'Intérieur), seuls 166 000 km², soit 28,5 %, relevaient du territoire civil, abritant la majorité de la population. Cette partie concentrée représentait 80 % de la population totale, avec une densité relativement élevée de 29 habitants par kilomètre carré.

En revanche, les territoires sous commandement militaire, qui comprenaient le sud saharien, étaient largement sous-peuplés et sous-développés. Ces régions occupaient une immense étendue de 367 000 km², soit près de 64 % de la superficie totale, mais ne comptaient que 494 000 habitants, avec une densité inférieure à 2 habitants par kilomètre carré.

L’annexion de territoires voisins : une stratégie coloniale

L’étude de Meuriot met également en lumière le caractère artificiel de l'agrandissement territorial de l'Algérie sous administration française. Initialement limitée à une superficie comparable à celle de la France métropolitaine, l'Algérie coloniale a vu ses frontières modifiées pour inclure des régions sahariennes, ainsi que des territoires prélevés sur le Maroc, la Tunisie et la Libye. Ces annexions avaient pour but principal de servir les intérêts économiques de la France, notamment l’exploitation des ressources naturelles telles que le pétrole et le gaz dans le Sahara.

Le document mentionne aussi que ces territoires, bien que stratégiques, étaient peu habités et difficiles à administrer. Les autorités françaises y exerçaient un contrôle militaire strict, les transformant en zones de commandement plutôt qu’en véritables départements civils.

Un découpage aux conséquences durables

L’expansion territoriale de l'Algérie coloniale a laissé des traces profondes dans les relations diplomatiques de la région. Les frontières dessinées par l'administration coloniale n'ont pas toujours pris en compte les réalités historiques et culturelles des populations locales. Cela a engendré des tensions entre l'Algérie et ses voisins, notamment le Maroc, qui revendique aujourd’hui certaines zones historiquement liées à son territoire.

De plus, la concentration de la population dans des régions spécifiques a exacerbé les déséquilibres économiques et sociaux, un héritage qui continue de marquer le paysage algérien contemporain.

Les chiffres clés du document de 1914

  • Superficie totale de l’Algérie coloniale : 575 000 km².
  • Superficie des territoires civils : 166 000 km² (28,5 %).
  • Superficie des territoires militaires : 367 000 km² (64 %).
  • Population totale : 5 563 000 habitants.
  • Densité moyenne : 9,6 habitants par kilomètre carré.

Conclusion : Une histoire à reconsidérer

Ce document de 1914 révèle une réalité méconnue de l’histoire coloniale de l’Algérie, où les frontières et la démographie ont été instrumentalisées pour répondre aux impératifs stratégiques de la France. Alors que le Maroc et la France renforcent leur coopération diplomatique, de telles révélations pourraient alimenter de nouvelles revendications territoriales et redéfinir les discussions sur l’histoire coloniale de la région.

L’histoire des frontières de l'Algérie n’est pas simplement une question du passé ; elle continue de façonner les relations géopolitiques en Afrique du Nord.

Référence :
Paul Meuriot, Population et populations de l'Algérie, Journal de la Société Statistique de Paris, tome 55 (1914), p. 239-251.

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