Maglor - Le port d’Algésiras, maillon central du commerce transméditerranéen et point de passage stratégique pour les exportations marocaines vers l’Europe, traverse une crise sans précédent. Depuis la mise en service du nouveau système douanier électronique H1, les opérations de dédouanement connaissent une désorganisation profonde. Retards dépassant 72 heures, congestion des terminaux frigorifiques, multiplication des contrôles et sous-effectifs administratifs : l'ensemble de la chaîne logistique est gravement perturbé, compromettant la fraîcheur des produits périssables et occasionnant des pertes économiques majeures.
Un système censé moderniser, mais qui paralyse
Entré en vigueur le 14 octobre, le système H1 avait pour objectif de digitaliser et fluidifier les procédures douanières. Mais la phase de déploiement s’est révélée chaotique : pannes techniques, validation documentaire lente, interfaces instables et absence de personnel formé. Résultat : les temps d’attente aux quais explosent, dépassant les seuils critiques pour les produits à durée de vie limitée comme le poisson, les fruits et légumes frais.
« Chaque heure de retard détruit de la valeur », avertissent les importateurs, qui parlent désormais de “blocage opérationnel”.
Chaîne du froid menacée et pertes économiques
Les camions frigorifiques marocains sont immobilisés pendant plusieurs jours, menaçant la chaîne du froid et entraînant le déclassement qualitatif des marchandises. Des palettes entières sont refusées par les distributeurs européens, faute de garantie de fraîcheur. Les exportateurs marocains subissent une double peine : pertes directes, remises forcées et coûts de destruction.
Contrôles ciblés et surcharge administrative
Les importateurs pointent également un durcissement des contrôles ciblant expressément les cargaisons marocaines. La vérification des certificats d’origine EUR.1 – indispensables pour bénéficier des avantages tarifaires – s’est complexifiée, générant un engorgement supplémentaire. Le manque de personnels douaniers aggrave la situation, créant un véritable goulot d’étranglement.
Un risque de reconfiguration des routes commerciales
Si la situation perdure, les opérateurs marocains envisagent un détournement des flux vers d’autres ports européens (Sète, Barcelone, Valence, Gênes). Une telle réorientation remettrait en cause la position dominante d’Algésiras dans le corridor Maroc–Europe et pourrait modifier durablement les équilibres logistiques de la région.
Les mesures urgentes réclamées
L’Association des importateurs appelle les autorités espagnoles à :
- Stabiliser immédiatement le système H1
- Augmenter les effectifs douaniers
- Créer des couloirs verts prioritaires pour les denrées périssables
- Accélérer le traitement des certificats EUR.1
Un enjeu stratégique pour les deux rives
La modernisation douanière est une ambition légitime, mais sa réussite dépend d’une mise en œuvre contrôlée et adaptée à la nature critique des flux périssables. Restaurer la fluidité du passage à Algésiras devient une condition vitale pour préserver la compétitivité des exportations marocaines et la stabilité de l’approvisionnement alimentaire européen.