
Professeure d'Italien à Angoulême, Laura Ulonati publie "Dans tout le bleu", l'histoire d'une archéologue en quête de l'histoire de sa mère, issue de l'immigration italienne. Alors qu'elle la voit perdre la mémoire, elle prend la mesure de tout ce qu'elle a laissé derrière elle.
(France 3 Nouvelle Aquitaine) - Dans tout le bleu, publié au tout début de l'été chez Actes Sud, se présente comme un petit livre discret, dans son format, mais particulièrement ambitieux et réussi dans l'entreprise de son autrice, l'Angoumoisine Laura Ulonati, de raconter l'épopée d'une génération issue de l'immigration italienne en France.
A Nice aujourd'hui, Ariane travaille comme archéologue au musée de la ville. Tous les dimanches, elle déjeune avec sa mère, Arcangela, une Italienne venue s'installer en France lors de la vague migratoire transalpine des années 1960. Leurs échanges sont le plus souvent marqués par l'aigreur de la mère, recluse dans son appartement aux volets fermés au monde. Mais une chanson la relie encore à l'extérieur, ce Volare, oh, oh! Cantare, oh, oh, oh, oh! qui la ramène immanquablement à l'Italie de sa jeunesse, celle qu'elle a laissée derrière elle en venant vivre en France, et qui apparait tel un monde perdu. Mais plus qu'une chanson populaire, un visage - un prénom -, rattache encore Arcangela au passé, à son village natal, le fictif Montebello. Au fil des discussions, Ariane en prend progressivement conscience, alors que les premières pertes de mémoire de sa mère se manifestent et l'inquiètent.
Si Ariane est archéologue au musée de Nice, son véritable sujet d'archéologie pourrait bien devenir cette mère et tout son passé refoulé, avec caché derrière ce visage tant aimé.
Entretien de France 3 Nouvelle Aquitaine avec Laura Ulonati
Dans tout le bleu (Actes Sud, 2021) est votre deuxième roman et, comme le premier Une Histoire italienne (Gallimard, 2019), il est sous le signe de l’Italie. Qu’est-ce qui vous relie à ce pays ?
Je suis née de deux parents italiens. Aujourd’hui le lien est assez ténu. J’y retourne finalement assez peu. C’est peut-être pour ça que j’ai envie d’écrire, que mes deux premiers romans en parlent. Je pense que c’est une manière de continuer à faire vivre ce pays des origines. Mon père est italien. Il est venu en France avec moi bébé qui suis née là-bas. Ma mère est née d’une famille d’Italiens immigrés dans les années 60, comme dans le livre, et elle s’est mariée au pays, donc c'est un retour au pays dans son mariage. Pour diverses raisons, ils sont partis ensuite - ce n’était pas prévu -, ils sont partis d’Italie et sont venus s’installer en France. Ça m’a toujours questionnée. Il y avait toujours des choses douloureuses des deux côtés. Aussi bien du côté de ma mère où les parents ont fait partie de ces lots de travailleurs miséreux…
Partis à Nice ?
Oui, c’est ça. Du côté de mon père, ce sont des méandres plus tortueux qui font que lui a eu envie en venant en France de faire un peu tabula rasa. Je me souviens de lui qui apprenait, quand j’étais petite, avec acharnement, le français. Il me lisait Astérix et Obélix, c’était son niveau de lecture quand j’étais petite. Il apprenait le français, il fallait s’intégrer, il fallait travailler et aussi oublier le pays, oublier des choses qui pouvaient faire mal.
Vous êtes née là-bas, quels souvenirs en gardez-vous ?
Mon père et moi, on est du Piémont. Ma mère, plutôt de là où se situerait le Montebello imaginaire (du roman ndlr), c’est-à-dire de l’Ombrie. (...) J’avais deux ans (quand j'ai quitté l'Italie). Comme Nice n’est vraiment pas loin de la frontière et comme petite, j’y avais ma tante, on allait souvent là-bas en week-end, pour les fêtes, en vacances. J’ai toujours baigné dans un environnement très italien en fait: mes grands-parents maternels m’ont beaucoup élevé, ils parlent une espèce de langue hybride.
Le personnage d’Ariane dans le roman est archéologue. C’est une magnifique image d’avoir choisi ce métier pour aller en quête des origines. Est-ce que ce métier s’est imposé pour le personnage pour creuser, remonter le temps ?
C’était ça. J’avais l’idée depuis un moment d’écrire sur une archéologue. En fait, c’était l’idée d’un autre roman. Et comme ce roman-là, j’essayais de l’écrire depuis un moment, il y a eu une connexion, je me suis dit que ce serait pas mal en fait, que ce serait une clef intéressante pour suivre le parcours des deux personnages. En tout cas, elle avait à voir avec les antiquités, avec le passé, avec ce rapport au temps, aux temps qui se superposent, c’est ça qui rendait ce choix possible et intéressant.