
« Le goût des confitures » dernier ouvrage de l’auteur marocain Bob Oré Abitbol, est aujourd'hui disponible dans les librairies françaises et celles du Maroc où on trouve l'ouvrage en français et en arabe.
« Le goût des confitures » est un doux et émouvant voyage dans le Maroc pluriel des années 1960. La plume légère et pétillante comme le cœur d’un enfant à l’orée de l’adolescence, l’auteur nous y entraîne dans le Casablanca d’autrefois, des ruelles bouillonnantes de vie du centre-ville à la Corniche baignée par l’Atlantique en passant par les villas fleuries d’Anfa.
Au fil des pages, comme dans un roman de Marcel Pagnol, on s’attache à ces personnages pittoresques dépeints avec beaucoup d’humour et d’amour par l’auteur, qui a conservé une nostalgie évidente et un lien très fort avec son pays natal. Des confitures qui rappellent la madeleine de Proust qui ne manque pas de faire revenir ou réactiver un souvenir à la mémoire de quelqu'un,
Homme d’affaires et homme de lettres d'origine marocaine, Bob Oré Abitbol est à la fois écrivain, éditeur, dramaturge, poète, créateur de mode et propriétaire d’une galerie d’art contemporain à Los Angeles, où il a décidé de s’installer après Paris, Mexico et Montréal.
Extraits
" Et là, d’un bocal transparent, coloré, chatoyant, on extrait la confiture, faite maison, avec amour, mijotée des heures et des heures durant dans son jus, dans son sucre, délicatement caramélisée. Cette confiture à l’orange, faite de larges quartiers dorés, met l’eau à la bouche.David et Elie se régalent et n’en mangent jamais assez.Après les longues journées de classe, c’est une belle récompense qui vaut bien cette attente.
Confiture aux raisins secs et aux noix, avec des bâtons de cannelle, confiture de coings avec des clous de girofle ; la préférence des enfants allait plutôt à la confiture d’orange.La jeune sœur était très fière de ses talents de cuisinière.Pour David et Elie, cet arrêt constituait une halte importante qu’ils ne manquaient que rarement.
Un jour, cependant, la sœur s’étant absentée pour une raison quelconque, ils trouvèrent porte close.Ils eurent beau frapper, d’abord à la porte, puis à la fenêtre, aucune réponse.Décidément, il n’y avait personne.Comme la sœur vivait au rez-de-chaussée, Elie se munit d’un fin morceau de bois qu’il introduisit délicatement dans l’interstice de la fenêtre vert gazon.La courette où d’habitude jouaient les enfants était déserte.Avec le bâtonnet, il fait sauter habilement le loquet et, l’un faisant la courte échelle à l’autre, ils pénètrent dans l’appartement où règne une bonne odeur de propre. A travers les persiennes mi-closes qui tremblent au vent léger et les tergals qui se lavent comme des mouchoirs, le soleil danse.Vite, dans la cuisine.
On ouvre un premier placard, un deuxième et là, un énorme bocal, plein à ras bord de cette confiture dont ils raffolent.Assis, les jambes croisées, ils avalent, ils dévorent, ils mangent et ils mangent et ils mangent. De peur d’être surpris, ils se dépêchent, leur petites mains s’enfoncent et ramènent, comme d’une pêche miraculeuse, ces petits morceaux délicieux qu’ils dégustent.Leur petite face, toute barbouillée de jus, leurs mains gluantes, leurs tabliers saccagés, ils n’en ont cure.Ce moment est magique, ils le sentent, ils veulent en profiter au maximum.
-Par la suite, nous avons eu l’occasion de goûter à d’autres confitures mais jamais, jamais, disent-ils avec emphase, elles n’ont eu, jamais elles n’auront le goût de ces confitures-là.Ils ont vieilli maintenant, je les vois passer, chargés du poids de leurs responsabilités, cheveux grisonnants, sentencieux et sages, mais je ne peux m’empêcher de les imaginer jeunes enfants turbulents et insouciants.Cette confiture, ils le savent, c’est toute leur enfance, toute leur jeunesse. Ma mère, qui raconte souvent cette petite aventure, dit qu’ils ont eu une indigestion, qu’on les a retrouvés se roulant par terre, mais eux n’ont pas oublié pour d’autres raisons.Alors, si vous les voyez l’air grave ou sérieux, dites-leur :-Eh ! Tu te souviens des confitures ?Vous verrez alors un sourire éclairer leur visage.Et toi ? Dis-moi, dans quoi retrouves-tu le goût des confitures ? "
Bob Oré Abitbol
Le gout des confitures