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GAZA : Paix proclamée, avenir incertain Par Said Charchira

On a assisté à Charm el Cheikh en Égypte, à un petit moment diplomatique, fragile mais réel, qui n’est pas un accord de paix, mais un cessez-le feu, voire une trêve, qui suspend la guerre, les ruines, le génocide et le retour des otages des deux côtés. Un petit moment diplomatiquequi a engendré la joie des deux côtés, mais qui ne fait pas oublier ce qu’Israël a laissé derrière elle à Gaza et dont les conséquences sont plus durables. En effet, comme le décrit un journaliste indépendant : « Gaza n’est pas en train de panser ses plaies, mais de les découvrir ».

Il est incontestablement vrai, que malgré que Gaza soit complètement en ruine, cet accord avec le même Hamas, sensé être éradiquer, démontre l’échec de cette guerre et du projet de nettoyage ethnique mené par le gouvernement Netanyahou pendant plus de deux ans. Vu l’absence de garanties solides, qui rendent sa mise en œuvre fragile, cet accord, n’est pas à l’abri d’instabilité prolongée. En effet, aucune mesure ne protège réellement l’accord d’un blocage israélien, à moins que Washington contraint Netanyahou à s’y tenir . Car, on le sait « Netanyahu demeure un maître de la manœuvre » et Trump n’a jusqu’ici refusé aucune demande à son ami Netanyahou.

Le président americain, qui lors de son discours à la Knesset, quelques heures auparavant, a fait figure de sauveur suprême d’Israël au moins pour un moment en obtenant auprès de la population israélienne tout le crédit pour la libération des otages détenus par le Hamas, alors que le rôle de Benyamin Netanyahou reste controversé. Pourtant, tout le monde le sait, les deux années de guerre ont laissé Israël, certes dans une position militaire prépondérante, mais l’image de l’État hébreu s’est effondrée comme jamais chez la grande majorité des pays et même chez ses amis et alliés traditionnels.

Faut-il rappeler que c’est parce que les massacres à Gaza ont causé des problèmes internes à Trump, qu’il s’est vu obligé de tordre la main à son ami Netanyahou pour obtenir cet accord. Mais, l’absence de ce dernier lors la signature de cet accord en Égypte, atteste qu’il reste prisonnier de la vieille idée qu’Israël ne vivra que par l’épée et que la puissance juive entre le Jourdain et la mer se poursuivra éternellement. 

Une idée que refusent beaucoup de juifs en Israël et dans le monde. C’est dans ce sens, que le célèbre professeur Jeffrey D. Sachs, juif lui-même a adressé une lettre ouverte au Ministre des affaires étrangères d’Israël, dont il met en garde Israël que : « La grande menace qui pèse sur la survie d’Israël n’est ni les nations arabes, ni les Palestiniens, ni l’Iran, mais les politiques du gouvernement extrémiste d’Israël ». Il interpelle également Netanyahou en lui disant : « Vous avez imputé au Hamas tous les meurtres de civils commis par les forces israéliennes, alors même que le monde regarde chaque jour des vidéos montrant les forces israéliennes tuant de sang-froid des civils affamés à l’approche de points de distribution de nourriture ».

D’ailleurs, Netanyahou, objet d’un mandat d’arrêt de la CIP pour crimes contre l’humanité,  conditionne le retrait de l’armée israélienne avec le désarmement du Hamas. Son Ministre de la défense va droit au but en déclarant le 15 octobre, que si le Hamas ne rend pas toutes les dépouilles d’otages : « … Israël, en coordination avec les États-Unis, reprendra les combats et agira pour une défaite totale » du mouvement palestinien. Or, les dépouilles des otages sont enfuies dans un territoire transformé en un énorme tas de décombres et que le Hamas n’a ni la liberté de circulation sur son territoire, ni les moyens matériels de mener les fouilles.

Par ailleurs, tout le monde le sait, le mouvement Hamas ne déposera les armes que s’il est accepté de participer dans un processus électoral, dans le cadre d’une solution politique, ce qui n’est pas le cas. En effet, nous n’assistons pas actuellement à un processus politique, mais à une sorte de protectorat, qui serait dirigée par Tony Blair ou un autre occidental, avec quelques technocrates palestiniens, pour faire bonne figure. En un mot, il ne s’agit pas d’une solution politique, ni de la libération des territoires occupés, ni d’un État palestinien, ni même d’un frein à la poursuite de la colonisation.

Quand aux dirigeants arabes et musulmans présents à Charm El Cheikh, ils sembleraient qu’ils avaient prévu d’aborder avec le président américain les questions de fond toujours en suspens, comme l’aide humanitaire, la future gouvernance de Gaza, etc.  Mais lorsque Donald Trump est arrivé – avec quatre heures de retard – ils se sont contentés de défiler pour aller saluer un Trump qui se veut le « faiseur de paix ». Lors de son discours, la plupart de ces dirigeants sont restés debout et n’ont pas manqué de le louer comme « le seul au monde capable d’obtenir la paix ». Le président pakistanais, l’a même proposé pour le prix Nobel de la paix, comme s’il n’a pas participé aux massacres et la famine à Gaza !

Au niveau des relations internationale, la manière de la mise en scène de Trump, à travers cet accord, me semble révélatrice de quelques choses de nouveau, de profond et de très inquiétant. En effet, ce qui est observable c’est que les USA semblent vouloir véhiculer l’idée qu’ils sont sortis de la crise impériale, observé entre 2001 et 2015 ou ils étaient crispés, défiés, etc. et qu’ils sont entrés désormais, dans une phase de désinhibition morale totale. Ils semblent complètement décomplexés en menant une offensive tous azimuts. Ils donnent l’impression, qu’ils sont entrés dans une reconquête des territoires perdues, une phase de vengeance et de mépris des Lois et règles internationales. En un mot, c’est de nouveau la doctrine de la domination, de la soumission, du chantage, etc. qui revient.

Düsseldorf, le 18 octobre 2025

 Said Charchira

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