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Biélorussie : Poutine et la Russie organisent la crise migratoire pour nuire à l'Europe

Poutine et la Russie organisent la crise migratoire pour nuire à l'Europe

Mateusz Morawiecki, premier ministre polonais, a accusé la Russie d’être à la manœuvre dans la décision de la Biélorussie de laisser les migrants se rassembler à la frontière polonaise.

(AFP) - Le premier ministre polonais a accusé mardi le président russe d’être le «commanditaire» de la vague de migrants qui tentent d’entrer en Pologne depuis le Bélarus, avertissant que cette attaque «hybride» risquait de déstabiliser l’Union européenne. L’accusation intervient alors que des milliers de migrants désespérés sont pris au piège par un temps glacial à la frontière polono-bélarusse, où la présence de troupes des deux côtés a fait craindre une confrontation.

Le président bélarusse Alexandre Loukachenko «est l’exécutant de la dernière attaque, mais son commanditaire se trouve à Moscou et ce commanditaire est le président Poutine», a déclaré Mateusz Morawiecki au cours d’une réunion d’urgence du Parlement polonais. «Les migrants du Moyen-Orient sont amenés au Bélarus en avion et servent de boucliers humains pour déstabiliser la situation en Pologne et dans l’UE. Défendre les frontières de la Pologne, c’est défendre le flanc oriental de l’Otan et de l’UE», a-t-il ajouté.

L’Allemagne, qui a accusé Alexandre Loukachenko d’exploiter «sans scrupule» les migrants en les envoyant à la frontière avec la Pologne, a demandé de nouvelles sanctions de l’UE contre le Bélarus, par la voix de son ministre des affaires étrangères Heiko Maas. «Loukachenko doit se rendre compte que ses calculs ne fonctionnent pas», a-t-il affirmé.

Les «manières de voyou du régime Loukachenko»

Les Européens accusent depuis des mois Alexandre Loukachenko de nourrir la crise en délivrant des visas à des migrants pour se venger des sanctions européennes prises à l’encontre de son pays pour sa répression de l’opposition depuis la présidentielle de 2020.

«Cela fait partie de l’approche inhumaine et des vraies manières de voyou du régime Loukachenko», s’est ému le porte-parole de la Commission européenne Peter Stano, à Bruxelles, annonçant une intervention auprès de 13 pays pour qu’ils empêchent leurs ressortissants de s’embarquer pour le Bélarus. Le Bélarus a rejeté les accusations et jugé que la Pologne, membre de l’UE, violait les droits de l’homme en ne laissant pas les migrants entrer sur son territoire.

Le président Loukachenko, proche allié de Moscou, a souligné que son pays «ne se mettra pas à genoux» devant l’UE. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a imputé l’afflux de migrants aux «aventures» militaires occidentales au Moyen-Orient. «Pourquoi, en ce qui concerne les réfugiés se dirigeant vers l’Union européenne depuis la Turquie, l’UE a-t-elle fourni des fonds pour les maintenir sur le territoire turc?» a-t-il déclaré, «pourquoi les Bélarusses ne peuvent-ils pas être aidés de la même manière ?»

État d’urgence à la frontière lituanienne

La crise s’est intensifiée lundi lorsque des centaines de migrants ont marché vers la frontière dans le but de passer en Pologne, mais ont été bloquées devant des barbelés et l’important dispositif policier et militaire déployé par Varsovie.

La Pologne et le Bélarus ont déclaré mardi qu’entre 3000 et 4000 migrants, principalement des Kurdes du Moyen-Orient, se trouvaient dans un camp improvisé à la frontière, face au village polonais de Kuznica.

L’accès au site est interdit aux journalistes, mais des images diffusées par les autorités des deux pays montrent des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants sous tentes ou à même le sol, tentant de se réchauffer autour de feux par des températures proches de zéro.

La Pologne a déclaré que le Bélarus utilisait les migrants comme arme, insistant sur le fait qu’elle n’ouvrirait pas sa frontière. «Cette attaque hybride du régime de Loukachenko nous vise tous. Nous ne serons pas intimidés et défendrons la paix en Europe avec nos partenaires de l’OTAN et de l’UE», a déclaré Morawiecki sur Twitter.

En Lituanie, pays qui partage également une frontière avec le Bélarus, le Parlement a voté mardi une loi imposant un état d’urgence à la frontière par crainte que les migrants piégés à la frontière polonaise ne cherchent d’autres voies.

La menace de nouvelles sanctions

Le déploiement des soldats à la frontière provoque des réactions des deux côtés. Le ministère bélarusse de la Défense a déclaré que la Pologne avait déployé 10’000 militaires à la frontière sans en avertir préalablement les autorités de Minsk, dénonçant une violation des accords de sécurité communs. Le ministère polonais de la Défense a tweeté une séquence vidéo montrant ce qu’il a dit être un «important groupe d’officiers bélarusses» à proximité du camp de migrants.

L’UE a appelé à de nouvelles sanctions contre le Bélarus en plus de celles imposées suite à la forte répression par le régime d’Alexandre Loukachenko contre l’opposition après des élections contestées l’année dernière. La France s’est dite «prête à examiner un renforcement des mesures» contre le régime et contre «les personnes et les entités impliquées dans ce trafic d’êtres humains». Ce sujet sera à l’ordre du jour de la prochaine réunion lundi des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept.

Des diplomates européens à Bruxelles ont indiqué à l’AFP que l’UE travaillait déjà sur l’extension de ces sanctions. Mercredi, le président du Conseil européen Charles Michel doit se rendre à Varsovie pour discuter de la «crise aux frontières de l’UE». Certains migrants arrivés en Pologne ont déclaré à l’AFP le mois dernier qu’ils étaient coincés dans les bois pendant une semaine, le Bélarus refusant de les autoriser à rentrer à Minsk, puis dans leur pays, tandis que la Pologne ne les laissait pas entrer ni faire des demandes d’asile.

Selon les gardes-frontières de Minsk, les migrants coincés à la frontière sont dans un état physique et psychologique «extrêmement mauvais», en manque d’eau et de nourriture et de moyens pour se laver. «La situation est aggravée par le grand nombre de femmes enceintes et de nourrissons parmi les réfugiés, qui doivent passer la nuit à même le sol dans des températures négatives».

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