
Maglor - Le débat autour du fichage des étrangers en situation régulière s’intensifie en France, après la révélation de circulaires internes demandant aux forces de l’ordre de collecter des données personnelles sur des étrangers placés en garde à vue, même en l’absence de condamnation. Au cœur de la controverse : la circulaire Retailleau, dont la mise en œuvre suscite une levée de boucliers chez les défenseurs des droits humains et plusieurs partis d’opposition.
Une procédure jugée discriminatoire
Selon les informations révélées par Le Parisien, la circulaire impose aux préfectures et services de police d’enregistrer les empreintes digitales, les copies des titres de séjour et les documents d’identité d’étrangers suspectés d’infractions, même sans suite judiciaire. Des procédures qualifiées de « fichage administratif », bien que les intéressés soient en situation régulière et non condamnés.
Cette pratique soulève de vives critiques. Pour de nombreuses organisations, dont la Ligue des droits de l’Homme (LDH), cette directive représente une atteinte grave aux droits fondamentaux. « Ficher des personnes simplement parce qu’elles sont suspectées, sans preuve ni jugement, viole le principe de la présomption d’innocence », alerte Nathalie Teillaud, présidente de la LDH.
Des conséquences durables
Les associations s’inquiètent également des effets à long terme d’un tel dispositif. La LDH redoute notamment que ces informations puissent être utilisées ultérieurement contre les personnes concernées, notamment pour refuser un renouvellement de titre de séjour ou pour justifier une expulsion. Un risque de marginalisation renforcé, dénoncent les ONG, qui y voient une forme de stigmatisation systématique des étrangers.
Dans certaines zones, comme la Seine-Saint-Denis, des circulaires internes ont été diffusées aux services de police, provoquant des tensions entre les autorités locales et les acteurs associatifs.
La réponse des autorités
Le ministère de l’Intérieur réfute toute accusation de fichage systématique, parlant plutôt de « formalités administratives » visant à mieux encadrer la gestion des procédures judiciaires. La préfecture de Seine-Saint-Denis a de son côté expliqué que ces documents étaient des « fiches de procédure internes », sans portée discriminatoire.
Ces explications n’ont cependant pas convaincu. Plusieurs partis de l’opposition, ainsi que des élus locaux, ont réclamé plus de transparence et une suspension immédiate de la directive en attendant un débat parlementaire.
Une bataille judiciaire en cours
L’affaire a pris une tournure judiciaire : quatre organisations, dont la LDH, ont déposé une requête devant le tribunal administratif de Montreuil pour contester la légalité de cette pratique. Elles estiment que cette collecte d’informations viole les règles de protection des données personnelles inscrites dans le droit européen.
Une jurisprudence récente leur donne raison : en avril 2025, un tribunal de Loire-Atlantique avait suspendu une procédure similaire, jugée illégale et attentatoire aux libertés individuelles.
Une ligne de fracture politique et éthique
Au-delà du débat juridique, cette affaire met en lumière une tension croissante entre les impératifs de sécurité publique et les droits individuels. Si les autorités défendent une approche préventive, les critiques dénoncent une dérive inquiétante vers une surveillance ciblée, fondée non sur des faits mais sur des présomptions.
Alors que le gouvernement assure que le dispositif est conforme à la législation, les associations réclament une révision profonde de ces pratiques, et un débat national sur la protection des données, la lutte contre les discriminations et le respect des droits des personnes étrangères en France.