Le maire de Riace, présenté comme un modèle d’intégration des migrants dans le sud de l’Italie, a été arrêté mardi, au moment où le gouvernement populiste remet en question le système d’accueil dans des petites structures qui profite à nombre de communes.
(AFP) - Domenico (dit « Mimmo ») Lucano, 60 ans, est soupçonné d’aide à l’immigration clandestine pour avoir favorisé des mariages de convenance afin d’aider des femmes déboutées du droit d’asile à rester en Italie.
Maire depuis 2004, proche de la gauche, il est aussi accusé de s’être passé d’appel d’offres pour attribuer la gestion des ordures de son village de Calabre de 1800 habitants à des coopératives liées aux migrants.
Le communiqué du parquet cite des conversations téléphoniques de M. Lucano où il promet de faire une carte d’identité à une personne dont le permis de séjour n’est plus valable, expliquant que la loi qui l’interdit est « stupide », et dans un autre cas de marier les yeux fermés une Nigériane sans papiers.
Son arrestation a provoqué un coup de tonnerre en Italie, tant le « modèle » de Riace a été salué à travers le monde : depuis les années 2000, grâce à des fonds italiens et européens, ce village qui se dépeuplait a repris vie grâce à l’accueil de centaines de demandeurs d’asile.
Ils ont réinvesti les maisons abandonnées, rouvert les ateliers d’artisanat locaux, permettant d’attirer des touristes et de maintenir l’école ouverte… M. Lucano a été cité parmi les 100 personnalités les plus influentes par le magazine Fortune en 2016 et a inspiré un docu-fiction de Wim Wenders. Même si son projet battait de l’aile depuis quelques mois faute de fonds publics bloqués par les autorités.
Toute la journée, le mot-clic #Riace a été en tête des thèmes les plus commentés sur les réseaux sociaux. Et militants et syndicats ont appelé à une manifestation samedi dans le village avec le slogan « On n’arrête pas Riace ».
« Les villes européennes doivent réagir ! Barcelone avec Riace ! » a lancé Ada Colau, maire de la cité catalane, qui était cet été à Riace.
Mais le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini (extrême droite), a dénoncé « les fausses bonnes consciences qui voudraient remplir l’Italie d’immigrés ».
Cette arrestation arrive aussi une semaine après la présentation du « décret-loi Salvini », qui prévoit de regrouper les demandeurs d’asile dans de grands centres d’accueil et de limiter les petites structures inspirées de Riace et prônées par l’ancien gouvernement de centre gauche.
Ces petites unités reçoivent actuellement 35 euros par personne accueillie et par jour, qui reviennent essentiellement à l’économie de la commune via les loyers, les emplois créés, l’argent de poche dépensé sur place…
M. Salvini veut limiter la somme à 20 euros par jour et interdire les titres de séjour humanitaires, ce qui devrait faire chuter de 60 % le nombre de personnes admissibles à ces programmes d’intégration, au grand dam des maires concernés.