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Projet de loi de finances 2023 en France : forte hausse des crédits pour l’immigration

Projet de loi de finances 2023 en France : forte hausse des crédits pour l’immigration

Le projet de loi de finances pour l’année 2023 a été présenté à la presse le 26 septembre. Parmi les différentes annonces sur les dépenses et les recettes de l’Etat, le budget de la mission Immigration, asile et intégration devrait une nouvelle fois fortement progresser l’année prochaine.

(Breizh-Info) - Le gouvernement pourrait faire adopter le budget de l’Etat en ayant recours à l’article 49-3 de la constitution, ce qui éviterait un débat parlementaire approfondi à ce sujet. Les perspectives pour les années suivantes sont en matière d’immigration plus que jamais orientées à la hausse.

2,01 milliards d’euros, c’est le budget que l’Etat devrait consacrer à la mission Immigration, asile et intégration en 2023. Cela représente une hausse de 6% par rapport à 2021, soit 113 millions d’euros de plus. Depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir, le budget de cette mission a plus que doublé. En 2016, il s’élevait en effet à 1 milliard d’euros.

Un sénateur de l’opposition, Sébastien Meurant, soulignait en 2018 que la mission Immigration, asile et intégration ne représente qu’une infime partie des coûts liés à l’immigration, qu’il estimait annuellement à 6,2 milliards d’euros. Des spécialistes de l’immigration ont, sans se limiter au budget de l’Etat et à cette mission, fait des estimations bien supérieures. Pour ne citer qu’un exemple, Jean-Paul Gourévitch avançait dans le cadre d’une étude réalisée en 2022 le chiffre de 40,3 milliards d’euros.

La mission Immigration, asile et intégration, qui ne comprend pas les frais de personnel, concerne trois types de mesure : la gestion des flux migratoires, l’intégration des étrangers en situation régulière, l’accueil et l’examen de la situation des demandeurs d’asile. Cette dernière mesure représente près des deux tiers des crédits de la mission.

Toujours plus de places d’hébergement pour les migrants

Le document de présentation du PLF 2023 précise que 5 900 places d’hébergement supplémentaires vont être créées en 2023 pour les « réfugiés », alors que « près de 30 000 places d’hébergement ont été créées en faveur des demandeurs d’asile et des réfugiés depuis 2017 ».

Le gouvernement mentionne également un effort pour organiser plus d’éloignements d’étrangers en situation irrégulière. Le « plan ambitieux d’ouverture de places en centre de rétention administrative » (CRA), où sont retenus les clandestins avant leur éloignement, serait ainsi « poursuivi ». Néanmoins, le document ne précise pas le nombre de places qui vont être créées l’année prochaine dans ce type de structure.

Les priorités du gouvernement depuis plusieurs années se traduisent dans les chiffres : alors que le nombre de places dans les centres de rétention administrative était en 2021 de 1 891, celui dans le parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés devrait dépasser les 120 000 l’année prochaine.

Le ministère de l’économie précise dans son document de présentation du PLF 2023 que « l’intégration constituera une priorité pour les années à venir avec la montée en charge du programme AGIR à compter de 2023 ». Dans une instruction du 25 janvier 2022, le ministre de l’intérieur présente ce programme qui vise à généraliser un accompagnement global pour les bénéficiaires de la protection internationale : logement, cours de langue, formation, accès à l’emploi. Il ne semble manquer que le volet « répartition sur le territoire » pour correspondre au projet présenté par le président de la République le 15 septembre.

Les critiques de l'opposition

Des membres de l’opposition ont critiqué le projet de budget de l’Etat pour l’année 2023 en raison de son absence de ligne directrice. Cette critique n’est pas fondée s’agissant de la politique migratoire sous la présidence d’Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat ne dévie en effet pas d’une politique menée depuis 2017 par les gouvernements successifs. Celle-ci repose notamment sur la mise à l’abri des migrants qui arrivent en France et la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile, afin – en théorie – de faciliter en particulier l’éloignement des déboutés.

Cette politique s’est traduite par un accroissement considérable du parc d’hébergement des migrants et la dotation de moyens humains supplémentaires pour instruire les demandes d’asile. La loi asile et immigration votée en avril 2018 a par ailleurs élargi les critères pour bénéficier de la qualité de réfugié. Ces mesures ont sans nul doute contribué à entrainer toujours plus d’immigration extra-européenne en France.

Pour complexifier le tout, la priorité donnée par le ministre de l’intérieur à l’expulsion des délinquants étrangers conjuguée au manque de places dans les CRA produit ses premiers effets. Selon le journaliste Amaury Bucco, les centres de rétention administrative sont moins fréquemment remplis par des étrangers en situation irrégulière facilement éloignables, mais plus souvent par des étrangers peu coopératifs, ce qui rendrait difficile leur expulsion.

Des perspectives 

En conclusion, le gouvernement annonce qu’« à l’horizon 2024-2025, les crédits de la mission« Immigration, asile et intégration » se maintiendront à un niveau élevé », sans toutefois donner davantage de précisions. Sauf infléchissement majeur de la politique migratoire du gouvernement Borne, l’Etat risque effectivement d’avoir besoin dans les années qui viennent de plus en plus d’argent pour accueillir les migrants.

Le « trou d’air » de 2020 lié à la fermeture des frontières est déjà loin. Selon les dernières informations d’Eurostat, la demande d’asile atteint en Europe des niveaux proches de ceux du pic de la crise migratoire de 2015. Le nombre de demandes d’asile déposées en France pourrait atteindre les 130 000 à la fin de l’année.

Comme nous l’apprennent les statistiques tenues par Frontex et le HCR des Nations-Unies, l’immigration clandestine à destination de l’Europe progresse également très fortement. Face à cela, le nombre des reconduites d’étrangers en situation irrégulière reste en France particulièrement bas.

Le porte-parole du gouvernement a reconnu à mots couverts que le budget de l’Etat pour l’année 2023 pourrait être adopté en ayant recours à l’article 49-3 de la constitution. Les budgets annoncés le 26 septembre tant en matière d’immigration que dans les autres domaines ont donc de fortes chances d’être adoptés sans trop de modifications.

Paul Tormenen (Breizh Info)

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