Au sommet de l’UE, le sujet de la migration a de nouveau cristaliiser les tensions entre dirigeants. Les chefs d’Etat polonais et hongrois bloquent les discussions pour protester contre un système de solidarité entre les Vingt-Sept dans la prise en charge des demandeurs d’asile.
(AFP) - Les chefs d’Etat et de gouvernement européens ont repris vendredi matin le 30 juin 2023 les discussions sur ce sujet hautement sensible, après s’être séparés dans la nuit, vers 01H30, sans parvenir à trouver d’accord.
«Nous avons travaillé toute la nuit pour tenter de sortir de l’impasse», a expliqué un responsable de l’UE.
Les Etats membres pourraient renoncer à se mettre d’accord sur des conclusions communes sur le sujet de la migration à l’issue du sommet. Le texte final pourrait à la place contenir des conclusions du président du Conseil européen Charles Michel, qui ne s’exprimerait donc pas au nom des Vingt-Sept
Solidarité obligatoire mais «flexible»
«C’est un combat pour la liberté, pas une rébellion», a déclaré le Premier ministre hongrois nationaliste Viktor Orban.
Hongrie et Pologne s’opposent à un accord conclu à la majorité qualifiée le 8 juin 2023 entre les ministres de l’Intérieur de l’UE prévoyant notamment un système de solidarité obligatoire mais «flexible» entre pays de l’UE dans la prise en charge des demandeurs d’asile, une percée sur un dossier bloqué depuis des années.
«Inacceptable», pour Viktor Orban: «nous étions convenus auparavant à plusieurs reprises que, comme la question de la migration nous divise profondément, nous ne pouvions accepter de règle que si nous sommes tous d’accord, c’est-à-dire s’il y a une décision unanime», a-t-il ajouté.
Même son de cloche du côté du dirigeant polonais Mateusz Morawiecki : «Certains pays veulent passer à l’accueil forcé de migrants (...) J’ai demandé qu’il soit écrit dans les conclusions que ce processus doit être volontaire, et non obligatoire», a-t-il dit en arrivant au second jour du sommet.
La Première ministre estonienne Kaja Kallas a estimé qu’il y avait «beaucoup d’amertume remontant aux débats sur la migration en 2015», mais qu’il fallait maintenant «avancer».
«Nous devons nous concentrer sur la façon de réduire la pression migratoire», a-t-elle poursuivi, estimant que la «dimension extérieure», c’est-à-dire la coopération avec les pays d’origine et de transit des migrants était un sujet consensuel.
Mais la question de la répartition des demandeurs d’asile arrivés dans l’UE est toujours un sujet de crispations pour la Pologne et la Hongrie, qui avaient déjà refusé les quotas de réfugiés décidés à la suite de la crise de 2015-2016.
Vote à la majorité qualifiée
L’accord trouvé le 18 juin 2023 à Luxembourg, encore préliminaire car il doit être négocié avec le Parlement européen, prévoit que les Etats membres seraient tenus d’accueillir un certain nombre de demandeurs arrivés dans un pays de l’UE soumis à une pression migratoire, ou à défaut d’apporter une contribution financière, équivalente à 20.000 euros pour chaque réfugié non relocalisé.
L’accord oblige aussi les pays membres à mettre en place des centres aux frontières extérieures de l’UE (aux frontières terrestres, ou aux aéroports, notamment) pour les migrants ayant peu de chances statistiquement d’obtenir l’asile, afin de faciliter leur renvoi vers leur pays d’origine.
La Pologne et la Hongrie avaient voté contre la proposition, tandis que quatre pays s’étaient abstenus. La présidence suédoise du Conseil de l’UE avait décidé d’opter pour un vote à la majorité qualifiée (requérant un vote favorable de 15 pays sur 27, représentant au moins 65% de la population totale de l’UE), comme prévu par les traités en matière de migration.
Le texte avait été adopté après des concessions faites notamment à l’Italie, et la cheffe du gouvernement Giorgia Meloni est désormais déterminée à préserver ce compromis. Aucun autre pays n’a l’intention de revenir dessus.
Varsovie, comme Budapest, s’appuie sur de précédentes conclusions de sommets européens pour réclamer que les décisions sur un dossier aussi sensible soient prises à l’unanimité. Elle veut aussi que soit mentionné «le droit souverain des Etats membres à définir leur politique migratoire et à décider qui ils acceptent sur leur territoire», selon une proposition vue par l’AFP.
La Pologne, qui accueille actuellement plus d’un million de réfugiés ukrainiens qui ont fui leur pays suite à l’invasion russe en février 2022, a aussi demandé des fonds supplémentaires.