Les Messins célèbrent chaque 30 mars la naissance de Paul Verlaine dans leur ville.
C'est en effet le 30 mars 1844 que Paul Verlaine naquit à Metz, non loin de ce qui est aujourd'hui le Tribunal de Grande instance, et tout près de l'ancienne Ecole d'appication d'artiellerie et du génie devenue le Mess des officiers, 2 rue Haute Pierre.
Alphonse Daudet, l'auteur des Lettres de mon moulin, disait de lui que ses cravates étaient aussi belles que ses sonnets. Paul Verlaine aimait donc être cravaté et tous les ans, depuis des lustres, les poètes de Metz se rappellent de ses goûts. Chaque 30 mars, pour son anniversaire (il aurait tout de même 174 ans cette année), le cercle Paul-Verlaine et l'Académie Ausone offrent à son buste une jolie cravate. Cette année, elle était marron. C'est une œuvre en bronze signée James Vibert, érigée en 1925, au pied de l'Esplanade,
Une plaque discrète installée en 1919 au 2 rue Haute Pierre, une fois Metz redevenue française, est là pour rappeler aux touristes mais aussi à beaucoup de Messins qui l’ignorent que Paul Verlaine est né là. Dans la chambre bleue de ce très bel appartement bourgeois de 150 m² situé au 1er , « l’étage noble », aime à préciser la présidente de l’association des Amis de Verlaine qui est l’actuelle dépositaire de sa mémoire dans ce lieu.
« C’est à Metz que s’est formée sa sensibilité poétique », estime la présidente, expliquant que son don pour l’observation s’y est révélé. « J’étais sans cesse en chasse de formes, de couleurs et d’ombres », écrit le poète en évoquant son Metz enfantin. On peut y voir les prémices de son art impressionniste. Pourtant, Verlaine n’aura vécu que 34 mois, en deux temps, à Metz. Il y passa sa première année de vie avant que son père, militaire, capitaine adjudant du Génie, ne soit muté à Nîmes, puis Montpellier. La famille revient ensuite à Metz de juin 1849 à septembre 1851, et y occupe le même appartement avant de partir à Paris. Verlaine avait alors entre 5 et 7 ans. Fasciné par la cathédrale, il dit aussi se souvenir des promenades sur l’Esplanade.
L’annexion par l’Allemagne de cette terre où il vécut heureux va, vingt ans après son départ, développer son esprit d’engagement et de revanche. Il l’écrit dans Confessions en 1895 : « Je revendique d’autant plus ma qualité de Lorrain et de Messin, que la Lorraine et Metz sont plus malheureuses, plus douloureuses ! »
Voici le poème que Verlaine dédia à sa ville natale
Ô
Metz, mon berceau fatidique,
Metz, violée et plus pudique
Et plus pucelle que jamais ! Ô ville où riait mon enfance,
O citadelle sans défense
Qu'un chef que la honte devance,
O mère auguste que j'aimais.
Du moins quelles nobles batailles,
Quel sang pur pour les funérailles '
Non de ton honneur.
Dieu merci !
Mais de ta vieille indépendance.
Que de généreuse imprudence,
A ta chute quel deuil intense,
Metz, dans ce pays transi !
Or donc, il serait des poètes
Méconnaissant ces sombres fêtes
Au point d'en rire et d'en railler !
Il serait des amis sincères
Du peuple accablé de misères
Qui devant ces ruines fières
Lui conseilleraient d'oublier!
Metz aux campagnes magnifiques,
Rivière aux ondes prolifiques.
Coteaux boisés, vignes de feu.
Cathédrale toute en volute.
Où le vent chante sur la flûte.
Et qui lui répond par la
Mute,
Cette grosse voix du bon
Dieu !
Metz, depuis l'instant exécrable
Où ce
Borusse misérable
Sur toi planta son drapeau noir
Et blanc et que sinistre ! telle
Une épouvantable hirondelle,
Du moins, ah ! tu restes fidèle
A notre amour, à notre espoir !
Patiente encor, bonne ville :
On pense à toi.
Reste tranquille.
On pense à toi, rien ne se perd
Ici des hauts pensers de gloire
Et des revanches de l'histoire
Et des sautes de la victoire.
Médite à l'ombre de
Fabert.
Patiente, ma belle ville :
Nous serons mille contre mille.
Non plus un contre cent, bientôt !
A l'ombre, où maint éclair se croise.
De
Ney, dès lors âpre et narquoise,
Forçant la porte
Serpenoise,
Nous ne dirons plus : ils sont trop !
Nous chasserons l'atroce engeance
Et ce sera notre vengeance
De voir jusqu'aux petits enfants
Dont ils voulaient — bêtise infâme ! —
Nous prendre la chair avec l'âme,
SoUrire alors que l'on acclame
Nos drapeaux enfin triomphants !
Ô temps prochains, ô jours que compte
Éperdument dans cette honte
Où se révoltent nos fiertés,
Heures que suppute le culte
Qu'on te voue, ô ma
Metz qu'insulte
Ce lourd soldat, pédant inculte.
Temps, jours, heures, sonnez, tintez !
Mute, joins à la générale
Ton tocsin, rumeur sépulcrale,
Prophétise à ces lourds bandits
Leur déroute absolue, entière
Bien au delà de la frontière.
Que suivra la volée altière
Des
Te
Deum enfin redits !