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L'hydrogène blanc : un avenir pour la Moselle ?

L'entreprise la Française de l'énergie a annoncé la découverte d'importantes réserves d'hydrogène naturel dans le bassin minier lorrain. Les estimations font état de 46 milliards de tonnes, soit la moitié de la production annuelle mondiale actuelle d'hydrogène.

(BFM) - C'est peut-être un tournant dans la filière française de l'hydrogène. Il y a quelques semaines, l'entreprise la Française de l'énergie (FDE) qui produit de l'énergie à empreinte carbone négative a fait part d'une découverte exceptionnelle: des chercheurs lorrains du CNRS ont en effet trouvé d'importantes quantités d'hydrogène blanc dans les sous-sols du bassin minier autour du puits de Folschviller (Moselle).

Ce dernier fait l'objet d'un programme de forage dans le cadre du projet de recherche Regalor (REssources GAzières de LORraines) lancé il y a quatre ans par des scientifiques de l'Université de Lorraine et du CNRS avec l'accompagnement de la FDE.

Invité sur le plateau de BFM Business ce vendredi matin, le directeur général de Plastic Omnium Laurent Favre a expliqué en quoi consiste cette forme particulière d'hydrogène: "L’hydrogène blanc, c’est l’hydrogène naturel, natif. Contrairement à l’hydrogène vert ou gris qu’on produit et qui est l’hydrogène utilisé en grande quantité aujourd’hui, le blanc est quelque part sur la planète et il y en a beaucoup de disponible. Il est utilisable tel quel, c’est peut-être le pétrole de demain."

"On en a découvert aux États-Unis, au Mali, en Australie et récemment en France donc c’est potentiellement un accélérateur très fort du développement de l’hydrogène dans les transports et dans l’infrastructure industrielle en général."

La teneur en hydrogène va croissant avec la profondeur

L'enthousiasme est d'autant plus grand parmi les chercheurs et autres acteurs du secteur que cette découverte est presque le fruit du hasard. À l’origine, ce projet de recherche devait étudier le méthane, présent en grande quantité dans le sous-sol lorrain, et plus particulièrement le fameux "grisou", ce gaz de couche en sous-sol issu de la dégradation des couches de charbon et qui pouvait provoquer des explosions mortelles dans les mines.

Afin de quantifier ce méthane dans le bassin houiller lorrain, les chercheurs ont conçu une sonde exceptionnelle capable de descendre à plus de 1000 mètres de profondeur dans un puits de seulement six centimètres de diamètre.

Dès la fin d'année 2022, ils découvrent une petite quantité d'hydrogène à 600 mètres de profondeur mais constate que celle-ci augmente à mesure que la sonde pénètre dans le sous-sol: à un kilomètre sous terre, la concentration en hydrogène dépasse les 15%.

"Plus on va en profondeur, plus l'oxygène diminue jusqu'à disparaître", indiquait à France 3 Jacques Pironon le directeur du laboratoire GéoRessources de l'Université de Lorraine. "Plus l'oxygène diminue, plus l'autre espèce gazeuse, à savoir l'hydrogène sera présente."

"Les minéraux ferreux souterrains ont la faculté de séparer l'oxygène de l'hydrogène dans les molécules d'eau en l'absorbant. En couches géologiques très profondes, il n'y a plus d'oxygène du tout. Nous avons alors de fortes chances de trouver de l'hydrogène."

Des recherches complémentaires sur d'autres puits

La forte présence de minéraux de fers dans le sous-sol lorrain incite Jacques Pinoron à envisager auprès de France Bleu l'existence d'"une véritable usine à hydrogène sous nos pieds".

Selon les chercheurs, la teneur en hydrogène pourrait même dépasser 90% à 3000 mètres de profondeur si bien que la réserve pourrait à terme contenir environ 46 millions de tonnes d’hydrogène naturel, ce qui correspond à plus de la moitié de la production annuelle mondiale d'hydrogène aujourd'hui.

Cependant, ces hypothèses vont devoir être confirmées par d'autres forages plus profonds dans la région. C'est dans cette optique que la FDE a déposé en mars dernier une demande d'octroi de permis exclusif de recherches de mines dit "Permis des Trois-Évêchés" pour l'exploration de l'hydrogène naturel (H2) dans le bassin minier lorrain. Cette demande couvre une superficie de 2254 km², sur les départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle.

L'entreprise mosellane prévoit aussi d'effectuer de nouvelles mesures de concentration d'hydrogène dans trois autres puits pour enrichir les études sur les mécanismes de formation, de transfert et de production d'hydrogène blanc dans le contexte géologique lorrain.

Alimenter le pipeline MosaHyc vers l'Allemagne

Ces études permettront d'identifier un site pilote sur lequel sera initié une production et une valorisation locale d'hydrogène naturel dans le Grand-Est. Mais le chemin à parcourir reste encore long sur la problématique de la production pour déterminer comment extraire la ressource.

"Dans une perspective d'exploitation industrielle de cette ressource, il nous faut oublier les modèles conventionnels d'exploitation de l'industrie gazière et pétrolière et tout inventer", souligne Jacques Pinoron qui se donne deux ans pour "élaborer un modèle industrie fiable". À l’heure actuelle, aucune technologie ne permet de séparer l'hydrogène des autres gaz au-delà d'un kilomètre de profondeur.

"Certains pensent qu’il y a suffisamment d’hydrogène blanc sur la planète, dans les océans et dans de nombreux pays comme la France, pour alimenter l’ensemble de la planète en hydrogène", insiste Laurent Favre.

Les projections n'en demeurent pas moins radieuses pour la Française de l'énergie qui prévoit de produire l'hydrogène blanc en continu sans rejeter le moindre gramme de CO2.

Auprès de France 3, le directeur général de la FDE Antoine Forcinal anticipe déjà un futur usage de taille pour la ressource extraite: "Nous sommes à proximité du projet de pipeline MosaHyc qui va relier l'Allemagne à la région Grand Est afin d'alimenter principalement les industriels et les convertir à hydrogène blanc. C'est un très bon point parce que ce n'est pas le tout de construire un pipeline, encore faut-il le remplir."

Timothée Talbi

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