Le tribunal judiciaire de Metz vient de trancher dans le contentieux qui oppose l’association Carrefour à Caritas Moselle et à l’évêché de la Moselle. Par un jugement du 28 juin 2023, il a ordonné l’expulsion, dans un délai de six mois avec le concours de la force publique, d’une centaine de jeunes rencontrant des difficultés sociales des locaux de la rue Marchant qui, depuis 1821, étaient destinés à l’accueil des jeunes en situation de pauvreté à Metz.
Le contentieux remonte à 2007 lorsque l’association de l’orphelinat Saint-Joseph décide de se dissoudre et de transmettre ses biens à l’association diocésaine Caritas. L’association Carrefour qui avait assuré la continuité de l’œuvre de l’orphelinat en 1977 à la demande des pouvoirs publics a tenté de faire valoir ses droits dans la continuité de l’œuvre en introduisant des recours auprès du tribunal de Metz et du Conseil d’État. Mais, à chaque fois, elle a été déboutée, non pas sur le fond, mais parce qu’elle n’avait juridiquement aucun « intérêt à agir ».
L’affaire a été relancée le 16 juillet 2020 lorsque Mgr Lagleize, alors évêque de la Moselle, a assigné Carrefour en justice pour obtenir son expulsion des locaux de la rue Marchant qu’elle occupait depuis 1977 et qu’elle a totalement rénovés.
Le jugement a été rendu en appliquant la procédure du juge unique définie par le Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile. Cette procédure ne comporte qu’un magistrat siégeant seul.
Le ou la juge unique ne se confronte à aucun moment de la procédure à l’avis éventuellement divergeant d’autres magistrats.
Le tribunal dans son jugement du 28 juin 2023
« Déboute l'association Carrefour de sa demande de requalification du contrat de bail conclu entre elle et l'association Foyer Saint-Joseph le 5 septembre 1977, en contrat de location-gérance,
Constate que l'association CARREFOUR occupe sans droit ni titre l'ensemble immobilier situé 6 rue Marchant à METZ (57000) depuis le 31 août 2010,
Ordonne en conséquence, à défaut de départ volontaire des lieux dans le délai de 6 mois suivant la signification de la présente décision, l'expulsion de l'association CARREFOUR et de tout occupant de son chef, de l'ensemble immobilier situé 6 rue Marchant à METZ (57000), et ce au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de 6 mois, passé lequel il pourra être à nouveau fait droit,
Déboute l'association CARREFOUR de sa demande de condamnation de l'association fédération diocésaine des œuvres de charité de Moselle CARITAS MOSELLE à lui rembourser le coût de travaux ou d'impenses,
Condamnel'association CARREFOUR à payer à l'association fédération diocésaine des œuvres de charité de Moselle CARITAS MOSELLE une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboutel'association CARREFOUR de sa demande de condamnation de l'association fédération diocésaine des œuvres de charité de Moselle CARITAS MOSELLE au titre de 1'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'association CARREFOUR aux dépens de l'instance,»
Cent jeunes en difficultés mis à la rue par l'évêque
A travers l’association Carrefour, c’est une centaine de jeunes en difficultés sociales qui sont ainsi chassés d’un établissement historiquement dédié à la charité et à l’action sociale. Ils sont actuellement accueillis en Foyer de jeunes travailleurs (25 places rue Marchant), en Hébergement pour mineurs relevant de la protection de l’enfance (40 places), en centre d’hébergement et de réinsertion sociale CHRS (36 places). A cet accueil spécialisé, il faut ajouter le centre de loisirs sans hébergement (30 places) ouvert aux familles du quartier.
Il faut aussi préciser que cette décision remet en cause les missions de service public qu’assure l’association Carrefour pour le compte du Conseil départemental, de l’État (direction de l’emploi, du travail et des solidarités, la CAF.
L’association Carrefour a décidé de faire appel de ce jugement. Elle en a informé les financeurs et s’est rapproché d’eux pour convenir ensemble d’une solution de sauvegarde de l’intérêt de la centaine de jeunes expulsés.