Interrogés par l'AFP, plusieurs frontaliers et ex-frontaliers français témoignent de leurs déboires pour venir travailler chaque jour au Grand-Duché.
(AFP) - Avec une économie robuste et un salaire annuel moyen record dans l'OCDE, le Luxembourg attire de nombreux travailleurs étrangers, majoritairement français. Mais les prix élevés de l'immobilier poussent près d'un salarié sur deux à vivre hors des frontières du Grand-Duché, générant une saturation des infrastructures de transport.
«Il y a cinq ans, on mettait 45 minutes de porte à porte»
Henry Delescaut en sait quelque chose : ce frontalier met environ 1h15 pour parcourir les 72 km qui séparent son domicile de Metz du Kirchberg, dans la capitale.
«Il y a cinq ans, on mettait 45 minutes de porte à porte», se souvient le quinquagénaire. «On est confronté à une espèce de thrombose des infrastructures routières et ferroviaires», déplore celui qui est aussi le secrétaire général de l'Association des voyageurs du TER (Transport express régional) Metz-Luxembourg.
«La ligne TER entre la France et le Luxembourg concentre tous les jours 12.000 voyageurs dans un sens et dans l'autre», explique-t-il, «on est sur un segment où il n'y a qu'une voie qui monte vers le Luxembourg et une voie qui descend vers la France».
Des travaux d'un montant de 292 millions d'euros sont en cours pour doubler les voies entre Bettembourg et la frontière française, tempère le directeur général des CFL, Marc Wengler. «On a investi énormément dans du matériel roulant et on a augmenté en cadence le nombre de trains», souligne-t-il.
En mars, le pays a annoncé qu'il injecterait 110 millions d'euros supplémentaires dans le rail vers la France. Allongement des quais, renforcement de l'alimentation électrique, mise en place de rames de plus forte capacité : l'objectif est de multiplier par 2,5 le nombre d'usagers du TER d'ici à 2030.
La France concentre 52% des 182.000 frontaliers et le Statec table sur 72.000 à 132.000 frontaliers supplémentaires d'ici à 2035.
«Il y a une partie des frontaliers qui aimerait s'installer dans le pays ne fût-ce que pour réduire les temps de transports», explique M. Delescaut. Mais «que ce soit en location ou à l'achat, quand on a un salaire moyen luxembourgeois, il est très très difficile de se loger au Luxembourg», observe-t-il.
A 729.292 euros en moyenne, le prix affiché d'une maison y est trois fois plus élevé que du côté lorrain, selon les données de la plate-forme d'annonces immobilières AtHome.lu. «Ici pour un 80m², charges comprises, c'est 2.100 euros», indique Sylvie Dumotier qui, après avoir fait la navette pendant dix ans, s'est installée au Luxembourg.
«Le Luxembourg, c'est un piège»
«Rien ne fait le poids par rapport à la qualité de vie», assure la quinquagénaire, «ici, je ne paie pas de taxe d'habitation, pas de taxe foncière, il n'y a pas toutes ces taxes qui existent en France et qui chargent bien le mulet».
Le salaire annuel moyen luxembourgeois s'élève à 50.453 euros selon l'OCDE, soit 46% de plus qu'en France. «Au bout d'un moment, grâce au Luxembourg, on a réussi à avoir un pécule et une vie relativement facile», se souvient Antoine Oberlaender.
Cet informaticien a travaillé au Grand-Duché pendant plus de quinze ans avant de revenir en France. «Si j'étais resté au Luxembourg, on aurait eu 2.500 euros brut en plus par mois», estime ce père de famille.
Mais, pour lui, «le Luxembourg, c'est un piège». «On se retrouve à avoir beaucoup d'argent et à être obligé de travailler au Luxembourg pour rembourser son prêt immobilier, sa voiture, sans avoir le choix de partir», explique-t-il. En 2016, les employeurs du Luxembourg ont versé 10,6 milliards d'euros aux travailleurs frontaliers, ce qui fait du Grand-Duché le troisième pays de destination en Europe, selon Eurostat, juste derrière l'Allemagne et la Suisse.