Provocateur, cinglant, Salim Zerrouki, Algérien établit à Tunis, signe aux éditions Lallah Hadria et Encre de nuit "100% Bled, comment se débarrasser de nous pour un monde meilleur".
C’est une BD que seul un arabe pouvait se permettre d’écrire : 100% Bled, comment se débarrasser de nous pour un monde meilleur. (Éditions Lallah Hadria et Encre de nuit), sort demain en France en librairie. Provocateur, décapant, cinglant, l’auteur, Salim Zerrouki, Algérien établit à Tunis, se moque de sa propre société dans cet ouvrage.
Dénoncer l’obscurantisme
La BD satirique risque bien de faire parler d’elle, des deux côtés de la Méditerranée : dans 100% Bled, Salim Zerrouki fait un portrait de sa propre société, en épinglant tout ce qui, selon lui, l’empêche d’avancer. Illustrateur, la quarantaine, il observe en 2011 les révolutions arabes et décide de s’en prendre, via ses dessins, à ceux qu’il appelle les "barbus", les islamistes.
Des dessins sans concession, courageux, pour dénoncer l’obscurantisme sur un blog et sur Facebook, mais sous pseudo. Cette fois-ci, pour cette première bande dessinée, il ne cache plus son nom et s’en prend carrément à sa société toute entière. Chaque page évoque ce qu’il désigne comme "un problème" typique du monde arabe : l’hypocrisie du mariage, la nécessité d’être vierge, les constructions anarchiques. Du plus léger, comme le manque d’activité physique, typique selon lui du monde arabe, avec cette bulle dans laquelle on lit "chez nous, le surpoids est synonyme de bien-être absolu" : on y voit un couple, énorme, qui se félicite : "Hamdoulillah (louange à Dieu) depuis que nous sommes mariés, nous sommes comblés !"
De la moquerie sur le manque d’activité physique à cette dénonciation de ces lois encore en vigueur dans plusieurs pays de la région et qui permettent aux violeurs d’échapper à toute sanction, à condition qu’ils épousent leur victime. La BD est efficace, l’auto-dérision dit Salim Zerrouki, dans la région, cela se boit au biberon. On rit jaune parfois, c’est vrai qu’il ne nous ménage pas.
Choquer, avec une infinie tendresse
Mais s’il faut choquer pour permettre à sa société d’avancer, il n’hésite pas : "Faut secouer les gens, moi, j’ai fait une ablation de la fierté, parce que j’ai compris qu’elle ne servait à rien, explique-t-il. Personne ne pourra me regarder dans les yeux et me dire que c’est faux ce que je dis. Je suis maghrébin, je vis ça au quotidien." "J’irai pas jusqu’à ce qu’on devienne une société scandinave, mais il y a un juste milieu. Par exemple, cette planche, 'Si vous voyez un arabe traverser sur un trottoir c’est que c’est un européen moche', poursuit-il. C’est pas possible qu’on traverse sur un passage piéton, on est allergiques, on ne peut pas ! Les réactions, je les crains peut-être plus du côté des Occidentaux, si des gens du FN ou d’extrême-droite en profitent pour encore enfoncer le clou mais chez nous, je ne les crains pas, je les assume !" Salim Zerrouki fait partie de ceux qui ne s’auto-censurent jamais. S’il se permet un ouvrage pareil, c’est, dit-il, parce qu’il évidemment pour sa société une infinie tendresse.
Avec FranceInfo