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Après Metz, l'art contemporain de Felice Varini fait scandale à Carcassonne

Il avait déjà sévi à Metz, en 2009, en bariolant de cinq élipses les immeubles de la place d'Armes, pour le plaisir de certains spectateurs, mais aussi au grand dam de beaucoup d'autres. Felice Varini, artiste suisse, réédite sa pratique à Carcassone. L'artiste utilise l'espace architectural comme support de sa peinture. Il travaille in situ et sa peinture évolue toujours en fonction de l'espace donné. Il est toujours question d'un point de vue, que l'artiste choisi pour créer son oeuvre dans l'espace. 

Les bandes jaunes de l'artiste suisse Felice Varini sur les murs de la cité de Carcassonne ne sont pas du goût de tout le monde. Nombreux sont ceux qui jugent qu'elles détériorent le site.

Inaugurée le 4 mai 2018, la nouvelle oeuvre de l'artiste suisse Felice Varini suscite des débats pour le moins houleux à Carcassonne – et un peu partout sur internet. Ces cercles jaunes accrochés sur les remparts de la cité médiévale ne passent pas inaperçus, et d'aucuns estiment qu'ils dénaturent la beauté esthétique et le caractère historique du site.

D'une longueur de 400 mètres, l'oeuvre a été installée sur les murs occidentaux de la cité, dans le cadre du 20e anniversaire du classement de la cité et de ses fameux remparts au patrimoine mondial de l'Unesco. Financée notamment par le Conseil régional, le Centre des monuments nationaux, le département et des mécènes privés, elle devrait être retirée en septembre 2018. Mais certains aimeraient la voir disparaître bien avant. 

Sur Twitter, nombreux sont ceux qui s'offusquent que la décision d'installer cette oeuvre ait pu être validée par les autorités compétentes. 

ET APRÈS, L'ARCHITECTE DES BÂTIMENTS DE FRANCE VOUS EMMERDE POUR UNE COULEUR DE PORTE OU DE VOLETS !!! UNE HONTE CE TRUC SUR LA CITE !
L'artiste Felice Varini change les couleurs des remparts de la Cité de Carcassonne visible jusqu'en septembre 2018 https://t.co/OArfCP7Jvhpic.twitter.com/L4gQV4EXEs

— Sirven Voltaire (@SirvenV) 10 avril 2018

Était-ce vraiment indispensable cette "oeuvre" de Felice Varini sur les remparts de #Carcassonne ?
Personnellement, j'ai tout de même une nette préférence pour l'oeuvre de Viollet-le-Duc... https://t.co/Ml6LwNIbcy

— Louis Riel (@LouisRielFrance) 10 avril 2018

Le porte-parole du FN, Julien Sanchez, y est également allé de son commentaire, formulant non sans élégance ses réserves quant à la beauté et la postérité de l'oeuvre.

Les bobos d’Occitanie, fiers de défigurer un élément remarquable du patrimoine en dilapidant (en plus) l’argent public.
Chacun laisse dans l’histoire la trace qu’il peut.
Jaune devant, marron derrière. pic.twitter.com/k0tsVrDgf2

— Julien Sanchez (@jsanchez_fn) 4 mai 2018

 

D'une manière générale, les détracteurs les plus virulents de l'oeuvre sont plutôt marqués à droite politiquement : ils dénoncent très souvent un «saccage».

Qu’est ce que c’est que ce saccage (il paraît que c’est de l’art) à la cité de #Carcassonne ? pic.twitter.com/1VoIO0KYxH

— Le Dissident (@CRSCool) 10 avril 2018

De son côté, la ville de Carcassonne défend la présence des bandes jaunes. «La perception complète de l’œuvre se fait uniquement devant la porte d’Aude et invite le public à une véritable expérience esthétique valorisant l’itinéraire pédestre de la Bastide à la Cité», plaide ainsi la mairie.

Cet argumentaire n'aura pas convaincu tout le monde : il y a quelques semaines, l’œuvre a été détériorée. Plusieurs de ces bandes jaunes ont été arrachées. Le Centre des monuments nationaux a fait savoir qu'il avait déposé plainte.

Les réponses de Varini

Felice Varini n'a pas hésité à répondre à ses détracteurs. L'artiste commence par feindre l'indifférence (« cela n'a aucune importance »), avant de manier l'ironie (« on les aime, ils font partie de la vie eux aussi »), puis de se faire plus profond (« cela prouve que les gens sont attachés à leur patrimoine »). Il veut croire que la polémique va s'apaiser, passé l'effet de sidération provoquée par son œuvre.

« J'ai souvent rencontré ce type de réactions. Il y a d'abord de l'incompréhension, mais les voix changent au fur et à mesure », assure l'artiste originaire de Locarno (Suisse) avec un accent italien. Et de citer l'exemple de ce retraité, farouche contempteur de l'œuvre qu'il avait conçu en 2005 pour la Biennale de la Saint-Étienne, qui est devenu « son premier ambassadeur ». Felice Varini estime que les dégradations, limitées aux seules parties basses accessibles, ont été « amplifiées par les médias ». Il est apparu sincèrement attaché au dialogue avec le public lors de la visite de presse organisée avant l'inauguration officielle, délaissant les journalistes (qui ne l'ont guère accablé de questions) pour aller au-devant des visiteurs. « Il est dommage que je n'aie pas pu parler aux gens », dira même Felice Varini.

A Metz, en 2009

 

En savoir plus

Le projet de Felice Varini, Cercles concentriques excentriques, s’inscrit dans le cadre de la manifestation IN SITU, Patrimoine et art contemporain dont Carcassonne est cette année la capitale régionale. Cette oeuvre monumentale célèbre le 20ème anniversaire de l’inscription de la cité de Carcassonne sur la liste du Patrimoine Mondial à l’UNESCO.

Visible de mai à septembre 2018, l’oeuvre est à la mesure du monument, exceptionnelle de par son ampleur et sa visibilité. Elle s’étend sur le front ouest des fortifications de la Cité. La perception complète de l’oeuvre se fait uniquement devant la Porte d’Aude et invite le public à une véritable expérience esthétique valorisant l’itinéraire pédestre de la Bastide à la Cité. Les 15 cercles de couleur jaune, constituant l’oeuvre, se déploient à partir d’un cercle ajusté dans l’ouverture de la Porte d’Aude. Le dessin se propage dans l’espace comme une onde, fragmentant et recomposant la géométrie des cercles sur les tours et courtines des fortifications. Ce projet, parmi les plus importants proposés par l’artiste, s’inscrit dans la lignée des réalisations qui engagent le paysage, au-delà du monument. L’accès de la Porte d’Aude suscitera une grande curiosité auprès des touristes et des carcassonnais.

Felice Varini a une grande expérience des sites historiques sur lesquels il travaille depuis plusieurs décennies. Les techniques employées par l’artiste pour la réalisation de l’oeuvre sont respectueuses de l’intégrité du monument. Les protocoles de réalisation ont été étudiés en lien avec les services de conservation des monuments historiques.

Une fois le dessin exécuté sur les murs, cordistes et techniciens encollent un support aluminium préalablement peint par des étudiants des Beaux-Arts de Carcassonne. La technique est réversible et sans aucun préjudice sur les pierres.

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