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La France se bat contre le « séparatisme islamiste » - jamais contre l’Islam.

Le président français a publié, mercredi, une « lettre à la rédaction » du quotidien britannique, diffusée également sur le site de l'Élysée.
Le président français a publié une tribune dans le prestigieux quotidien britannique pour expliquer que « la France se bat contre le séparatisme islamiste, jamais contre l'islam », en réponse à un article paru lundi, mais retiré du site depuis.
Voici la lettre du Président Emmanuel Macron adresée à la rédaction du Financial Times.

Madame, Monsieur,

Si, depuis plus de 130 ans, le Financial Times constitue partout dans le monde un quotidien de référence, c’est parce qu’il se distingue par la publication d’articles fondés sur des faits robustes, des analyses nourries. Pour tous ses lecteurs – et j’en suis, s’informer avec le FT, c’est avoir la certitude d’accéder à des données fiables, sans que l’on ait besoin d’en vérifier la véracité. Personne ne peut donc imaginer que, dans ces pages, des propos tenus publiquement par le chef d’un Etat membre de l’ONU, du G7 puissent être déformés.

C’est pourtant ce qui s’est passé dans un article paru dans votre édition d’hier. Sur la base de fausses citations [confondant « séparatisme islamique » - un terme que je n’ai jamais employé, et « séparatisme islamiste » - qui se trouve être une réalité dans mon pays,] j’ai ainsi été accusé de stigmatiser, à des fins électorales, les Français musulmans ; pire, d’entretenir un climat de peur et de suspicion à leur égard.

Je n’évoquerai pas la rigueur discutable d’un article où le discours d’un chef d’Etat est placé sur le même plan que les propos rapportés d’un commentateur anonyme, ni même les sous-bassements idéologiques qui le fondent. Je veux simplement rappeler à vos lecteurs quelques faits simples, dire la situation de mon pays et quels défis il doit relever.

Depuis plus de cinq ans et les attentats de Charlie Hebdo, la France fait face à une vague d’attentats perpétrés, au nom d’un Islam qu’ils dévoient, par des terroristes. Plus de 300 femmes et hommes, des policiers, des militaires, des enseignants, des journalistes, des dessinateurs, des Juifs, un prêtre, des jeunes assistant à un concert ou prenant un verre en terrasse, des enfants devant une école, de simples citoyens, ont été lâchement assassinés sur notre sol. Et ces derniers jours, un attentat, qui heureusement n’a pas fait de victime, a à nouveau visé les locaux de Charlie Hebdo ; un professeur d’Histoire-Géographie, Samuel PATY, a été décapité ; à Nice, deux femmes et un homme ont été assassinés dans une église. 

Face à ce mal qui ronge notre pays, notre Nation fait bloc avec résilience, avec volonté. 

D’abord en tenant bon sur ses principes. Si la France est attaquée prioritairement par les terroristes islamistes, c’est parce qu’elle incarne la liberté d’expression, le droit de croire ou de ne pas croire, un certain art de vivre aussi. A maintes reprises, le peuple de France s’est levé pour dire qu’il ne cèdera rien de ses valeurs, de son identité, de son imaginaire. Rien de ces droits de l’Homme qu’un jour de 1789, il proclama pour le monde. 

Notre Nation fait bloc également en traquant les terroristes où qu’ils se trouvent. L’armée française est exemplaire de courage au Sahel et son action contre les groupes terroristes bénéficie à toute l’Europe. Nos services de renseignement, nos services de police, qui ont payé un lourd tribut, sont en première ligne, déjouent chaque année plusieurs dizaines d’attentats. Tout l’appareil d’Etat est mobilisé sur la base de lois discutées et votées au Parlement. Car nous ne renonçons pas non plus à la démocratie et à l’Etat de droit.

Mais dès 2015 est apparu, et je l’ai dit avant même de devenir Président de la République, que les vocations terroristes prospéraient sur un terreau. Dans certains quartiers autant que sur Internet, des groupes liés à l’Islam radical enseignent aux enfants de France la haine de la République, appellent à ne pas respecter les lois. C’est cela que j’ai appelé dans un discours le « séparatisme ». Vous ne me croyez pas ? Relisez les échanges, les appels à la haine diffusés au nom d’un Islam dévoyé, sur les réseaux sociaux qui ont finalement abouti à la mort du professeur Samuel PATY il y a quelques jours. Allez visiter les quartiers où des petites filles de trois ou quatre ans portent le voile intégral, sont séparées des garçons et, dès le plus jeune âge, sont mises à part du reste de la société, élevées dans un projet de haine des valeurs de la France. Dialoguez avec nos préfets qui sont confrontés sur le terrain à des centaines d’individus radicalisés dont on craint, à tout moment, qu’ils prennent un couteau et aillent tuer des Français. C’est contre cela que la France entend aujourd’hui lutter. Contre des projets de haine et de mort qui menacent ses enfants. Jamais contre l’Islam. Contre l’obscurantisme, le fanatisme, l’extrémisme violent. Jamais contre une religion. Nous disons : « pas chez nous ! ». Et c’est notre droit le plus strict de Nation souveraine. De peuple libre. Face aux terroristes qui veulent nous fracturer, nous restons unis. Nous n’avons pas besoin que des articles de journaux cherchent à nous diviser. 

Je ne laisserai donc personne affirmer que la France, son Etat, cultive le racisme vis-à-vis des musulmans.

La France, et nous sommes attaqués pour cela, c’est la laïcité, c’est-à-dire, pour les musulmans comme pour les chrétiens, les juifs, les bouddhistes, tous, la neutralité de l’Etat – qui jamais n’intervient dans les affaires religieuses, et la garantie d’exercer son culte. Et nos forces de l’ordre protègent les mosquées comme elles protègent les églises ou les synagogues. La France est un pays qui sait ce qu’il doit à la civilisation islamique : ses mathématiques, sa science, son architecture en portent et l’emprunte, et j’ai annoncé la création à Paris d’un institut visant à donner à voir cette grande richesse. La France est un pays où les responsables musulmans, prennent la parole à l’unisson lorsque le pire survient, pour appeler à lutter contre l’islamisme radical et défendre la liberté d’expression. 

On peut feindre de ne pas voir ces réalités le temps d’un article. On ne peut les ignorer durablement. Car comme l’écrivait Averroès « l’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, et la haine conduit à la violence ». 

Ne cultivons donc pas l’ignorance, en déformant les propos d’un chef d’Etat. Nous ne savons que trop là où cela peut nous mener. 
Préférons toujours la rigueur lucide, le travail rigoureux. Le savoir instruit.

En savoir plus

Emmanuel Macron à Al-Jazira : « Il y a des gens qui déforment l'islam »

Quand les peuples sont instrumentalisés, alors c'est aux peuples qu'il faut s'adresser. Alors que des dizaines de milliers de personnes défilaient vendredi au Bangladesh, au Pakistan, au Maghreb, brûlant des effigies d'Emmanuel Macron et appelant au boycott de produits français, le président a accordé, pour la première fois depuis le début de son quinquennat, une interview exclusive à la chaîne de télévision Al-Jazira, l'une des plus regardées au Moyen-Orient. Un exercice difficile, « courageux », pour son entourage, mais surtout nécessaire : « On se rend compte que, depuis le discours des Mureaux, il y a eu énormément de déformation et de manipulation de ses propos. »

Dans des extraits diffusés en arabe par la chaîne, le président défend les positions de la France en faveur de la laïcité, tout en appelant à l'apaisement. « Je comprends les sentiments des musulmans à propos des caricatures », y déclare Emmanuel Macron, qui se veut pédagogue : « Les caricatures ne sont pas un projet gouvernemental, mais plutôt émané de journaux libres et indépendants qui ne sont pas affiliés au gouvernement », explique-t-il. « Je pense que les réactions étaient dues aux mensonges et aux fausses déclarations, et parce que les gens ont compris que je suis en faveur de ces caricatures. »

« Des milliers et des milliers de menaces de mort »

L'entretien de 55 minutes sera diffusé à 17 heures, comme une réponse aux chefs d'État, dignitaires, personnalités qui ont ces derniers jours violemment accusé d'« insulter les musulmans » du monde entier, du président turc Erdogan au Premier ministre pakistanais Imran Khan, accusant Emmanuel Macron d'« attaquer l'islam ». Sur Twitter, l'ex-Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad a carrément écrit que « les musulmans avaient le droit de tuer des millions de Français pour les massacres passés ». Un appel en règle au djihad, que le réseau social mettra de longues heures à supprimer. Vendredi, le champion du monde poids légers d'arts martiaux mixtes, le Russe Khabib Nurmagomedov, s'en est pris à Emmanuel Macron et à ses « disciples » : « Que Dieu déshonore le visage de cette bête et de tous ses disciples qui, sous la bannière de la liberté d'expression, offensent les sentiments de plus de 1,5 milliard de fidèles musulmans », a-t-il écrit sur son compte Instagram, suivi par 25 millions de fans.

« Dans certains pays, sa photo a été imprimée et étalée dans les rues pour que les gens s'essuient les pieds dessus », s'alarme une source à l'Élysée. Qui redoute que cette flambée de haine et d'incompréhension provoque d'autres drames. « Depuis que nous avons tweetté en arabe notre soutien aux valeurs de liberté d'expression, nous recevons des milliers et des milliers de menaces de mort. » Un gardien du consulat de France en Arabie saoudite a été attaqué au couteau jeudi, et le consulat de France à Alexandrie a été attaqué. Rassemblé vendredi autour du président, au lendemain de l'attentat sanglant de Nice, le conseil de défense a décidé de renforcer la sécurité autour des représentations françaises à l'étranger.

 Par Géraldine Woessner pour lepoint.fr

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