Connue pour son courage et son combat pour l'éducation des jeunes filles à une époque où elle était interdite par les Talibans, Sakena Yacoobi a été élue éducatrice de l'année par la TRT World Citizen initiative.
(AA) - Sakena Yacoobi, enseignante afghane, affirme que ses élèves lui donnent la force d’avancer. Connue pour son courage et son combat pour l'éducation des jeunes filles à une époque où elle était interdite par les Talibans, Yacoobi a été élue éducatrice de l'année par la TRT World Citizen initiative.
Yacoobi est la fondatrice et la directrice de l'Institut afghan d'éducation (Afghan Institute of Learning, AIL), une organisation non gouvernementale dirigée par des femmes, qui offre ses services à près de 350 mille personnes par an.
"Quand ils (les enfants) sourient et sont heureux, cela me remplit de joie et c'est ce qui me motive", a-t-elle déclaré dans un entretien avec l’Agence Anadolu. "L'éducation est au cœur de mon programme, car je crois vraiment qu’elle donne du pouvoir, responsabilise les femmes, et leur offre un statut", a-t-elle déclaré.
Une bonne éducation permet également aux enfants d'être de bons leaders et de bons citoyens à l'avenir, alors que l'Afghanistan souffre de l’analphabétisme. "Le pays progressera et les enfants changeront et transformeront leur vie. Ils seront donc un modèle pour la génération à venir", a-t-elle ajouté.
- Face aux Talibans
Dans les années 90, à l’époque où les Talibans détenaient le pouvoir, Yacoobi a mis en place des écoles secrètes où elle éduquait les filles. L’enseignante avait quitté un emploi confortable aux États-Unis, où elle avait décroché une maîtrise en santé publique, puis y a vécu comme réfugiée après l'invasion de l’Afghanistan par la Russie.
Yacoobi a été nominée pour le prix Nobel de la paix. Elle a également remporté le prix WISE pour l'éducation décerné par la Qatar Foundation en 2015.
Elle a affirmé qu’un jour, des éléments talibans armés ont fait irruption dans son école. "Lorsqu'ils [les talibans] m'ont dit:" vous les éduquez, ce n'est pas bien ". Je leur ai rétorqué que l'islam demande d'éduquer les femmes, l'islam n'a pas dit de ne pas éduquer les femmes", a-t-elle ajouté. Elle savait qu'elle risquait de se faire tuer pour son travail, a-t-elle souligné, se déclarant convaincue que sa foi en Dieu la protégeait.
L’enseignante a déclaré être devenue une "vieille dame", en 27 ans de mission. Mais la jeunesse afghane est pleine d'espoir, en dépit de la guerre qui se poursuit, a-t-elle relevé.
"Je travaille constamment avec la jeune génération pour l'encourager à faire preuve de patience et à apporter véritablement la paix en Afghanistan, car la guerre ne sera pas une solution. Et nos jeunes générations représentent le seul moyen de parvenir à la paix en Afghanistan", a-t-elle martelé. "Tant que la paix ne sera pas rétablie en Afghanistan, nous souffrirons tout le temps", a-t-elle ajouté.
- 'N'abandonnez jamais'
Evoquant les défis auxquels fait face le pays, Yacoobi a déclaré que la sécurité est le principal problème. "Il y a des régions où il n’y a aucune école", a-t-elle ajouté, notant que cela constitue un défi supplémentaire.
L’enseignante a déclaré que le manque d'éducation aboutit à de fausses perceptions sur l'éducation des femmes. L'accès à l'éducation - en particulier dans les zones rurales - pourrait changer la donne, a-t-elle noté.
Les yeux brillant d’une lueur d’espoir, Yacoobi a appelé les jeunes femmes et les hommes à se soutenir mutuellement, et à travailler en équipe.
"J’appelle les jeunes hommes et les jeunes femmes à être forts dans l’adversité. N'abandonnez jamais, travaillez très dur et soyez honnêtes. Sachez également apprécier votre culture, votre religion et votre pays", a-t-elle conclu.
- Une école
Le centre d’apprentissage d’Herat, en Afghanistan, est l’une des nombreuses écoles fondées par Sakena Yacoobi. Ce jour-là, elle rend visite aux élèves. « Mes chères soeurs, écoutez-moi : vous acquérez ici des compétences qui, à l’avenir, vont seront utiles de plusieurs façons et vous permettront d‘être autonomes. Mais ne venez pas ici seulement pour la couture. Je vous encourage à échanger des idées et à apprendre l’une de l’autre.”
Sous le régime des talibans, Sakena Yacoobi a fondé l’Institut d’apprentissage afghan, qui fournit une éducation et des formations d’enseignement. Aujourd’hui, son organisation vient en aide, chaque année, à plus de 350.000 femmes et enfants.
“Chaque femme doit pouvoir être autonome, doit pouvoir affirmer sa valeur. C’est l’objectif de ces centres, dit-elle. Dès lors qu’elles deviennent autonomes, elles honorent cette organisation et nous pouvons ainsi ouvrir de nouveaux centres. Nous les formons, nous leur donnons en enseignement, nous les assistons, ce qui leur permet de gagner en confiance.’‘
Ruquia Panahi est une ancienne étudiante de l’Institut d’apprentissage afghan : “La première fois que je suis venue ici, je ne savais rien, j‘étais analphabète. J’ai donc commencé à apprendre à lire et à écrire, puis je me suis inscrite à la classe de couture. Maintenant, j’ai un magasin, où j’enseigne moi-même la couture. J’ai tout appris ici et, aujourd’hui, je suis une bonne couturière. Je ne demande plus d’argent à mon mari.”
480 personnes, principalement des femmes, travaillent pour l’Institut d’apprentissage afghan, qui compte quelque 340 centres.
“L‘éducation vous confère un pouvoir, un statut, explique Sakena Yacoobi. Je voyais que ces femmes étaient intelligentes, mais elles n’avaient pas d’opportunité. Si elles n‘étaient pas venues dans ce centre, elles seraient chez elles en train de cuisiner ou de faire le ménage. Ici, elles échangent des idées, elles rigolent, elles blaguent, elles prennent du plaisir et elles acquièrent aussi des compétences comme savoir lire et écrire. Tout cela me procure énormément de plaisir et de joie.”
Sakena Yacoobi , née à Hérat, est une militante afghane pour les droits des enfants, les droits des femmes et le droit à l'éducation. Elle est la fondatrice et directrice de l'Institut Afghan d'Apprentissage (Afghan Institute of Learning, AIL), une ONG afghane dirigée par des femmes qu'elle a fondée en 1995. Elle a obtenu une reconnaissance internationale pour son travail et a reçu de nombreux prix ainsi que 6 diplômes honorifiques, dont celui de l'Université de Princeton.