
Maglor Avec le360 : «Toi au Maroc, Desokupa à la Moncloa !» (siège de la présidence du gouvernement). Cette phrase provocatrice, affichée avec fierté sur un bâtiment de Madrid, reflète les tensions croissantes entre le Maroc et l'Espagne. Les relations entre les deux pays ont connu des turbulences ces derniers temps, et cette affiche ne fait que mettre en évidence les divisions qui persistent.
La société Desokupa, connue pour sa proximité avec le parti d'extrême droite Vox, utilise cette affiche pour exprimer son mécontentement envers le gouvernement espagnol, symbolisé par le siège de la Moncloa. Cette démarche vise à attiser les sentiments nationalistes et à exploiter les craintes liées à l'immigration et à la sécurité.
Les prochaines élections en Espagne suscitent un vif intérêt, et parmi les enjeux majeurs qui se démarquent figure la question du Sahara marocain. Cette problématique complexe et délicate occupe une place significative dans le débat électoral, reflétant l'importance géopolitique et historique des relations entre l'Espagne et le Maroc.
Mais pourquoi cet acharnement sur le Royaume du Maroc ?
Cet acharnement sur le Maroc s'explique en grande partie par le contexte électoral tendu en Espagne. Les prochaines élections législatives visent à élire 350 députés et 208 des 265 sénateurs. Dans cette atmosphère électrique, le Maroc est devenu un sujet de discussion incontournable, tant dans les publicités provocatrices que dans les déclarations des principaux dirigeants des partis politiques espagnols.
Ce regain d'intérêt pour le Maroc est en réalité lié au revirement majeur effectué par le gouvernement actuel dirigé par Pedro Sanchez concernant la question du Sahara marocain. En effet, dans un message adressé au roi Mohammed VI en mars 2022, Sanchez a exprimé que son pays considère l'initiative marocaine d'autonomie comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend sur le Sahara marocain. Depuis lors, la relation entre les deux pays a pris un nouvel élan et est devenue un partenariat stratégique de premier ordre.
Cependant, cette évolution a suscité des réactions mitigées en Espagne, créant des tensions et des crispations au sein de la scène politique. Certains acteurs politiques et groupes d'intérêts peuvent voir cette approche comme une concession injustifiée ou une remise en question des positions antérieures de l'Espagne sur la question du Sahara.
la question du Sahara est devenue un enjeu majeur en Espagne, et elle suscite des tensions et des crispations. L'objectif est notamment de s'en prendre au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) dirigé par Pedro Sanchez, dans le but de les affaiblir en critiquant la manière dont ils ont exprimé leur soutien au Maroc. La droite, l'extrême droite et même l'extrême gauche utilisent cette question comme un levier pour obtenir plus de voix lors des élections.
Il est souligné que le Parti populaire (PP), de droite, et Vox, d'extrême droite, ont une position virulente sur des sujets tels que Ceuta et Melilla, l'immigration et l'accord agricole, mais n'ont pas de position claire sur le Sahara. Vox utilise actuellement la question du Sahara pour faire pression sur les autres sujets mentionnés. Cependant, il est précisé que Vox n'a jusqu'à présent pas soutenu le Polisario et ne considère pas le Sahara comme une carte politique à part entière. Leur principal problème réside dans les Marocains eux-mêmes.
Le Parti populaire et Vox sont également conscients du coût de la réaction algérienne après l'annonce du soutien espagnol à l'option d'autonomie. Les relations commerciales entre les deux pays ont été durement affectées depuis la rupture du traité d'amitié et de coopération par l'Algérie. Les exportations espagnoles ont subi des pertes estimées à 1,4 milliard d'euros. Cependant, il faut souligner que les échanges commerciaux entre l'Espagne et le Maroc sont bien plus importants que ceux entre l'Espagne et l'Algérie. De plus, lors d'un vote à la Chambre des députés espagnole en avril 2022, tant les députés de la majorité (PSOE) que de l'opposition (PP) ont voté contre une résolution condamnant le soutien du gouvernement espagnol à l'option d'autonomie, tandis que Vox s'est abstenu.
Une coalition politique formée par l'extrême gauche espagnole, le Mouvement Sumar, se démarque en adoptant une position particulièrement ferme sur la question du Sahara. Alors que les sondages placent l'extrême gauche en quatrième position avec près de 13% des intentions de vote, cette coalition, dirigée par Yolanda Diaz, deuxième vice-présidente du gouvernement espagnol et ministre du Travail et de l'Économie sociale, vise à former la plus grande coalition électorale de l'histoire du pays en rassemblant 20 partis politiques nationaux et régionaux.
Sur la question du Sahara, la coalition exprime clairement son intention de réviser rapidement le changement de position du gouvernement espagnol et de soutenir pleinement le droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. Cette prise de position reflète une orientation de longue date de l'extrême gauche sur la question.
Cependant, selon Nabil Driouch, spécialiste de l'Espagne et des relations hispano-marocaines, la position réelle sur la question du Sahara ne devrait pas changer, indépendamment des slogans électoraux. Il souligne que la question du Sahara en Espagne est avant tout une affaire d'État et non d'un parti ou d'une personne. Les ministres espagnols des Affaires étrangères qui se sont succédé depuis 1975 ont toujours précisé que leur position reflétait celle de l'État espagnol en ce qui concerne le Sahara.
Selon Driouch, un éventuel changement de position nécessiterait l'implication des institutions qui composent l'establishment espagnol, notamment l'armée, les services de renseignement et les lobbies économiques. Il souligne également que Pedro Sanchez n'a pas agi seul lorsqu'il a adopté la nouvelle position espagnole sur la question du Sahara, et que cette position n'est pas prête de changer.
Malgré les déclarations électorales et les promesses, la position de l'Espagne sur la question du Sahara reste liée aux intérêts de l'État et nécessiterait une révision approfondie impliquant les institutions et acteurs clés du pays. Les résultats des élections auront des répercussions sur les relations bilatérales et la politique étrangère de l'Espagne, tout en tenant compte des intérêts de l'État et des institutions impliquées dans la prise de décision.
Il est donc clair que malgré les déclarations électorales et les promesses, la position de l'Espagne sur la question du Sahara reste liée aux intérêts de l'État et nécessiterait une révision approfondie impliquant les institutions et acteurs clés du pays.