Ca y est, Nicolas Sarkozy a été mis en examen mercredi soir dans le cadre de l'enquête sur le financement libyen de sa campagne électorale de 2007, a-t-on appris de source judiciaire. L'ex-président français s'obstine à nier les faits qui lui sont reprochés. Comment pourrait-il en être autrement ?
L'ancien chef de l'Etat, qui avait été placé en garde à vue mardi matin à Nanterre, a été mis en examen pour «corruption passive», «financement illégal de campagne électorale» et «recel de fonds publics libyens» et placé sous contrôle judiciaire, a précisé cette source, confirmant une information du quotidien «Le Monde».
Il a en outre été placé sous contrôle judiciaire, ajoute la même source, selon laquelle «Nicolas Sarkozy nie les fait qui lui sont reprochés». Sa mise en examen signifie toutefois que les juges estiment avoir assez d'«indices graves et concordants» pour poursuivre les investigations.
C'est la troisième fois que M. Sarkozy est inculpé dans une affaire politico-judiciaire en cours. L'ancien président était déjà en examen dans l'affaire dite des «écoutes», pour laquelle le Parquet national financier (PNF) a demandé son renvoi en correctionnelle, et dans le dossier Bygmalion, lié cette fois au financement de sa campagne de 2012.
Hortefeux aussi entendu
Une information judiciaire avait été ouverte en avril 2013 pour corruption active et passive, trafic d'influence, faux et usage de faux, abus de biens sociaux et blanchiment, complicité et recel de ces infractions.
L'un des plus fidèles lieutenants de M. Sarkozy, Brice Hortefeux, a aussi été interrogé mardi, mais en audition libre. «Les précisions apportées doivent permettre de clore une succession d'erreurs et de mensonges», a écrit mardi soir sur Twitter le député européen Les Républicains.
Dénégations de Sarkozy
Défait en mai 2012 par François Hollande et battu lors de la primaire de la droite en 2016, Nicolas Sarkozy a toujours nié jusqu'ici avoir bénéficié pour sa campagne victorieuse de 2007 d'argent du régime libyen de Mouammar Kadhafi, qu'il contribuera à renverser quatre ans plus tard.
Il a poursuivi pour diffamation l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, qui soutient avoir apporté des valises d'argent de Libye en 2006-2007 à celui qui était alors ministre de l'Intérieur et à son directeur de cabinet, Claude Guéant.
Cet intermédiaire sulfureux, lui-même mis en cause dans cette affaire, a de son côté confirmé à LCI avoir remis en trois fois cinq millions d'euros en liquide à Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, dont 1,5 million «directement» au premier.
Ziad Takieddine affirme cependant aujourd'hui que cela n'avait rien à voir avec le financement de la campagne présidentielle qui aurait été selon lui financée par d'autres fonds libyens n'ayant pas transité par lui. «J'ai donné toutes les preuves à la justice. Ils en font ce qu'ils en veulent», a-t-il dit. Claude Guéant, lui, a déclaré mardi n'avoir «jamais vu un centime de financement libyen».
«Le menteur, ce n'est pas moi», a réagi M. Takieddine après l'inculpation de l'ex-président. «Petit à petit, l'étau se resserre, tout commence à tomber et la mafia aussi», a-t-il ajouté.
Ex-dignitaires de Kadhafi
La justice française dispose notamment de déclarations d'anciens dignitaires du régime Kadhafi évoquant le versement d'argent à Nicolas Sarkozy, comme l'ex-patron du renseignement militaire libyen Abdallah Senoussi ou un proche collaborateur de Mouammar Kadhafi, Bechir Saleh, récemment blessé par balles en Afrique du Sud.
Les juges disposent également d'un carnet de l'ancien ministre libyen du pétrole, Choukri Ghanem, retrouvé mort en 2012, à Vienne. Selon le site d'information Mediapart, des versements destinés à la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy y sont mentionnés.
La justice française voudrait entendre un autre intermédiaire, l'homme d'affaires français d'origine algérienne Alexandre Djouhri, réputé proche de Bechir Saleh, qui nie cependant toute implication dans cette affaire. Elle a émis un mandat d'arrêt européen contre ce résident suisse aujourd'hui détenu en Grande-Bretagne, qui refuse d'être extradé en France.