L'association Art, culture et protection du patrimoine musical oranais (ACPPMO) a annoncé l’annulation de la célébration des 48 ans du rai qui devait avoir lieu à Oran du 6 au 11 août, selon un communiqué de l’association.
L’association a justifié cette annulation par « le silence de certains responsables et organismes », citant en particulier le ministère de la Culture qui a été, d’après elle, destinataire de quatre demandes de patronage et de contribution sans qu’aucune réponse ne soit donnée par ce dernier.
Le ministère des Affaires étrangères est lui aussi pointé du doigt par l’ACPPMO qui lui reproche de ne pas avoir facilité la venue des artistes étrangers en refusant de délivrer ces visas gratuitement. « Certains consuls ont exigé le paiement des visas qui s’élève à 80 euros par personne, chose qui a poussé certaines formations artistiques à se retirer », a indiqué l’association.
Le théâtre de verdure Chekroune Hasni où devaient se tenir les soirées officielles des 48 ans du rai et le jardin Ibn Badis où l’association voulait organiser le premier salon des associations de tourisme et artisanat n’ont pas été mis à la disposition de l’ACPPMO par le président de l’APC d’Oran, note également l’association.
« A Oran pour avoir la salle du cinéma el Maghreb ou Saada pour organiser un spectacle spécial femmes avec les medahettes et présenter un mariage traditionnel oranais, il faut avoir l’accord de la direction de l’ONCI à Alger alors que ces salles appartient à l’APC d’Oran et se trouvent au centre-ville d’Oran », a également dénoncé l’ACPPMO.
Parmi toutes ces portes fermées à son initiative, l’ACPPMO signale deux portes ouvertes, celle de la Direction de la Jeunesse et des Sports d’Oran qui a mis à sa disposition le stade pour le concert musical de clôture et a « apporté une aide précieuse pour cette manifestation et celle de la Direction du Tourisme qui a mis à sa disposition des guides pour les participants étrangers et a assuré leur prise en charge.
La célébration des 48 ans du rai allait être un événement d’envergure internationale, avec une retransmission en direct sur Beur FM et France Maghreb et la participation de plusieurs associations françaises à l’événement, dont l’association Méditerranée-Algérie, l’Association pour la promotion de la culture méditerranéenne et l’association Paroles et écrits.
En plus de l’annulation des festivités des 48 ans du rai, l’ACPPMO a annoncé la tenue de deux grands rassemblements d’artistes et de membres de la société civile devant le siège de l’APC d’Oran et devant celui de la Direction de la Culture.
Les démons de l'ombre
«Depuis plusieurs mois, en effet, les intégristes se manifestent par une activité tapageuse (...) Ils viennent d'empêcher, à Constantine, la tenue d'un meeting (...); ils avaient imposé il y a quelques semaines l'annulation des spectacles de la chanteuse (...), après avoir mené campagne contre «la juive» et lacéré ses affiches (...). Et quelques jours plus tard, là aussi par des menaces, ils avaient obtenu l'interdiction à M'sila d'une pièce de théâtre, algérienne cette fois (...).»
C'est là un extrait d'un mensuel paru en...1990. Et pourtant, l'on croirait bien lire des articles de presse parus ces derniers jours. La ressemblance des faits est troublante. Inquiétante. Dangereuse. Dans l'Algérie de 2018 et depuis quelques mois déjà, plusieurs festivals et manifestations culturelles sont annulés. Parfois à cause de la colère citoyenne qui se manifeste par des attroupements ou encore par l'organisation d'une prière de rue collective. Mais parfois aussi à cause d'un laxisme inexpliqué, étrange et inattendu de l'administration locale. Il est à se demander, dans ce dernier cas, s'il ne s'agit pas de comportements individuels de personnes incompétentes ou de zélées fanatiques qui ternissent l'image des institutions. Sinon de quoi s'agirait-il d'autre?
Il y a deux jours, la célébration des 48 ans du raï a été annulée. L'association a justifié l'annulation par «le silence de certains responsables et organismes». Elle reproche le laxisme dans le patronage de la manifestation, les entraves dans la délivrance de visas pour les artistes et même dans l'octroi du lieu devant abriter le spectacle. Pourquoi autant de portes fermées? Et qui en est responsable?
A Oran, on a réussi donc à annuler un événement d'envergure internationale. A Tigzirt, la tentative de faire avorter l'organisation des «Belles Nuits de Tigzirt» a échoué. Les soirées musicales qu'offre une agence événementiel en collaboration avec l'APC aux estivants et aux citoyens de cette ville balnéaire jusqu'au 20 août n'ont été maintenues que grâce à la vigilance des élus de la ville. Une notification d'annulation de la manifestation a été signifiée à l'organisateur à quelques heures seulement de l'ouverture de l'événement alors que tout était fin prêt pour accueillir le public. Pourquoi avoir attendu jusqu'à la dernière minute pour signifier à l'organisateur qui n'est d'ailleurs pas à sa première manifestation, que les portes doivent rester closes devant la foule? A quelles fins? Que cherche-t-on à provoquer? Ces questions méritent réponses. Surtout si l'on rappelle que les interdictions ne datent pas seulement d'hier. En mai dernier et à encore un article de presse «la direction de la Maison de la culture de la ville de Béjaïa a annulé la programmation d'une soirée musicale sous la double pression des autorités locales et de nombreux internautes qui menaient campagne depuis quelques jours pour appeler au boycott de ce gala sous prétexte qu'il est (...) synonyme de dissolution des moeurs».
L'auteur de l'article précise que la direction de la Maison de la culture a donné une autre justification de l'annulation, à savoir «une programmation effectuée sans autorisation préalable de la direction de l'établissement». Pour quelle raison l'annulation de galas et autres manifestations n'intervient toujours qu'a posteriori des expressions d'intolérance et d'inquisition? Pour quelle raison l'Algérie cède-t-elle à nouveau aux pressions, aux menaces, aux chantages et aux coups de force? C'est le cas de le dire puisqu'un maire a décidé unilatéralement d'interdire le port du short dans «sa» ville.
Juste après, il y a ce foisonnement d'interdictions de galas pour des raisons diverses. Pourquoi maintenant?Qui sont les comploteurs poussant à de tels agissements? Qu'est-ce qui fait courir ces manipulateurs, tapis dans l'ombre, et qui tirent les ficelles?Cachés mais puissants, les personnages de l'ombre complotent derrière le rideau et tentent de faire replonger l'Algérie dans le chaos. Mais c'est compter sans les «gardiens» de la République qu'ils soient au pouvoir ou au sein de la société civile. D'ailleurs, le ministre de l'Intérieur, Nourredine Bedoui et celui de la Culture Azzedine Mihoubi, n'ont pas manqué d'affirmer que l'Etat ne tolèrera aucune atteinte à sa stabilité et à sa sécurité.
Hasna Yacoub (L'Expression - Le Quotidien)
Un programme prometteur
A l'origine, les activités et concerts prévues étaient attrayants. Mais tout cela n'est plus qu'un rêve.
Voici ce qui était prévu : "le programme comprend de nombreuses activités dont une grande exposition au jardin Ibn Badis qui accueillera les associations qui vont promouvoir la destination touristique d’Oran. Au programme aussi, des spectacles de rue sur les plus grandes places publiques de la ville, une grande parade, des tables rondes, des conférences de presse, projections documentaires, activités sportives, visites de sites historiques et dégustations de plats et gâteaux de la région. Par ailleurs et dans le volet artistique, il est prévu une série de concerts dont les plus importants se tiendront au stade Zabana (ex-19 juin) et qui seront animés par des artistes algériens, maghrébins et étrangers. A ce propos, le directeur de la manifestation a fait savoir que 36 artistes, dont un grand nombre d’entre eux sont étrangers, vont se produire gratuitement. La manifestation sera clôturée par un méga-concert signé, entre autres, par Allaoua, Abdallah El Menaï, Cheb Bilal. Des animations musicales et folkloriques représentant le terroir national (oranais, chaoui, kabyle, tergui, andalous et staïfi) figurent aussi au programme. Selon les organisateurs de cet événement, près de 40.000 personnes sont attendues au méga-concert de la clôture de la manifestation."