Se faire passer pour la « fille cachée » du président déchu a permis à « Madame Maya » d'amasser une importante fortune.
Dans la résidence d'État de Moretti, sur la côte ouest algéroise qui héberge une bonne partie de la nomenclature, la villa 143 était l'épicentre des rencontres de hauts fonctionnaires et d'hommes d'affaires venus conclure leurs business ou nouer de nouveaux contacts sous la houlette de la maîtresse de maison, « Madame Maya ».
Quand el maâlma (la patronne), dont le procès s'ouvre ce 30 septembre, est arrêtée avec ses deux filles en juillet 2019 par les gendarmes, ils trouvent chez elle, cachés dans plusieurs murs de sa villa, pas moins de 12 milliards de centimes algériens (environ 797 000 euros), 270 000 euros, 30 000 dollars, 17 kilogrammes de bijoux en or et plusieurs documents de voyage…
L'ampleur des usurpations d'identités
Dans les milieux algérois informés, la dame, de son vrai nom Nachinachi Zoulikha-Chafika, était connue pour être « la fille cachée », à comprendre « illégitime », du président déchu Abdelaziz Bouteflika qu'il aurait eu à la suite d'une relation cachée avec une Suissesse. À ce dernier, dont la vie amoureuse est un véritable mystère (il ne s'était marié qu'officiellement en 1999 à la fille d'un diplomate algérien, mais ne vivait pas avec elle), on avait accolé beaucoup de légendes quant à ses proches et intimes, mais beaucoup ignorait tout de son univers familial, à part le fait que son cercle intime était concentré autour de sa mère (décédée en 2009) et ses frères et sœurs : Saïd (en prison), Nacer de son vrai nom Abderrahim, Abdelghani, avocat qui vit à Paris, Mustapha (décédé en 2010) et Fatma-Zohra qui s'occupe jusqu'à aujourd'hui de l'ex-président dans sa résidence médicalisée à Zéralda, à l'ouest d'Alger.
Les impostures sont légion dans un pays cadenassé par la bureaucratie : mieux vaut connaître quelqu'un dans les administrations, les banques, les universités… Et sinon, certains vont plus loin dans le cloaque des passe-droits et se font passer pour le cousin, le frère ou le proche d'un haut dignitaire. Des dizaines d'affaires d'usurpations de fonction et d'identité sont traitées annuellement par la justice algérienne, démontrant l'ampleur du phénomène.
Mais le cas de « Madame Maya » dépasse de loin les affaires « ordinaires » d'usurpation d'identité.
Par Adlène Meddi, à Alger Pour lepoint.fr