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En Algérie, la hausse des prix du mouton de l’Aïd vire à la polémique gouvernementale

L’Algérie n’échappe pas à la flambée des prix du mouton, qui peuvent représenter jusqu’à plusieurs mois de salaires minimum. Face aux récriminations, les ministères de l’Agriculture et du Commerce se renvoient la balle, assurant avoir tout fait pour limiter la hausse.

(Jeune Afrique) - Devant la boucherie du marché couvert de la place du 1er-Mai, à Alger, une file s’étire sur plusieurs mètres. Trois artisans bouchers s’échinent sans relâche à préparer les commandes des familles qui ont renoncé, cette année, à acheter un mouton, et opté pour l’achat en vrac du nécessaire à la préparation des principaux plats servis durant la fête de l’Aïd al-Adha.

Un gigot d’agneau, du foie, des rognons blancs et un bouzoulouf (tête du mouton) ont coûté à Boualem 21 000 dinars. Plus de deux fois moins que le prix d’un mouton, vendu au minimum 50 000 dinars et jusqu’à 120 000 dinars dans la plupart des points de vente de la capitale et de sa périphérie. Soit jusqu’à six fois le salaire minimum garanti.

On se rabat sur la viande vendue au kilo

L’Aïd al-Adha, célébré ce mercredi 28 juin, implique l’abattage de moutons en mémoire du sacrifice que Dieu a demandé à Abraham pour tester sa foi. Mais l’inflation, à hauteur de 9 %, a rogné le pouvoir d’achat des Algériens, comme l’illustrent leurs difficultés à se payer un mouton. Beaucoup se sont rabattus sur la viande vendue au kilo.

« Le sacrifice du mouton n’est pas obligatoire pour ceux qui n’ont pas les moyens. Je veux juste faire plaisir aux enfants en leur achetant deux kilos de viande », explique Saïd, qui a dû s’acquitter de quelque 5 000 dinars. Pour payer, cet ouvrier dont le revenu mensuel n’excède pas 35 000 dinars s’est endetté auprès de son frère. La faible affluence au point de vente de la route d’Amara (Chéraga), très prisé habituellement, témoigne de ces difficultés.

Sabiha, accompagnée de son mari, tente de négocier le prix d’un mouton qu’elle vient de repérer. En vain. Le vendeur n’est prêt à lui consentir qu’une ristourne de 2 000 dinars. « On n’arrive pas à savourer cet achat qui nous coûte trop cher. Si ce n’était pas pour mes petits-enfants, je ne pense pas que je l’aurais fait », lâche-t-elle, avant de raconter que les membres de sa belle famille se sont cotisés pour acheter un veau à partager, qui leur revient à 30 000 dinars chacun. Une solution plus économique selon elle et qui permet de disposer d’une plus importante quantité de viande.

Paiement échelonné

Cette année, même les députés – qui gagnent 260 000 dinars par mois – ont estimé que le rituel de l’achat du mouton était au-dessus de leurs moyens, et l’ont fait savoir le 22 juin au ministre de l’Agriculture, Mohamed Abdelhafid Henni, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif aux forêts et aux richesses forestières.

Le ministre a répondu que la hausse du prix du bétail à l’approche de l’Aïd al-Adha concerne les lots commercialisés par les intermédiaires et les vendeurs occasionnels, précisant que l’entreprise étatique chargée de l’approvisionnement, l’Algérienne des viandes rouges (Alviar), propose des moutons beaucoup moins chers, de 45 000 dinars à 80 000 dinars, avec une facilité d’achat à la faveur d’un accord signé avec les œuvres sociales des entreprises, aussi bien publiques que privées. Avec un premier versement de 25 % du prix, le reste échelonné sur quatre mois.

« La nourriture quotidienne d’un mouton ne dépasse pas 100 dinars. Après dix mois de graissage, son coût ne devrait être que de 40 000 à 60 000 dinars. Or ils sont vendus entre 100 000 et 120 000 dinars. C’est dommage d’en arriver là », regrette de son côté le directeur général de l’Alviar, Lamine Derradji. Selon lui, les intermédiaires prennent une marge qui peut atteindre 50 000 dinars.

Le ministre du Commerce, Tayeb Zitouni, qui a aussi abordé le sujet lors d’un point de presse improvisé au Palais des expositions d’Alger, où se tenait la 54e édition de la Foire internationale, impute, lui, la hausse des prix du bétail à l’augmentation des tarifs des fourrages et aliments. La situation aurait été plus dramatique, soutient-il, si les pouvoirs publics n’avaient pas ouvert 1 200 points de vente qui ont empêché les prix du marché noir de dépasser un certain seuil.

Un argument que le ministre de l’Agriculture balaye d’un revers de main, rappelant la série de mesures prises par l’État, comme le plafonnement des prix de l’orge et la généralisation du soutien aux éleveurs sur tout le territoire national, alors qu’il était auparavant limité aux seules wilayas des Hauts Plateaux. Mohamed Abdelhafid Henni déplore donc plutôt l’absence de contrôle dans les marchés de vente de bétail, hormis celui des services vétérinaires.

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