Partager sur :

Les journalistes sont-ils des "parias" au Maghreb ?

Le journalisme est un métier difficile dans les pays du Maghreb. Nouvel exemple avec l'Algérie et la Tunisie.

Le journaliste Belkacem Houam du média Echourouk a été placé sous mandat de dépôt ce jeudi 8 septembre, à la suite de la publication d'un article sur une supposée interdiction du Ministère du Commerce d'exporter les dattes, rapporte la presse algérienne.

Convoqué jeudi par la police judiciaire puis par le Tribunal d'Hussein Dey, le journaliste est accusé d'avoir publié de fausses informations lorsqu'il avait signé un article le mercredi 7 septembre, affirmant que le ministère du Commerce aurait mis en place une interdiction d'exporter les dattes algériennes. 

Le groupe Echourouk indique avoir «confiance dans la justice algérienne» et avoir chargé des avocats pour le «faire sortir de prison rapidement.»

Son arrestation fait suite à l'annonce du Ministère du Commerce de Kamel Rezig de poursuivre en justice Belkacem Houam pour «les fausses informations relayées» dans l'article concernant une interdiction d'exporter les dattes, estimant que les informations publiées sont «dénuées de tout fondement.»

La publication de l'article en question fait suite au retrait du marché français de certains lots de dattes algériennes contenant des pesticides interdits par l'Union européenne. 

Une arrestation vivement dénoncée, notamment par l'ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, dans une déclaration adressée au média en ligne TSA-Algérie.

Pour l'homme politique, cette arrestation démontre que la liberté d'expression dans le pays est «menacée par la persistance du harcèlement politique et judiciaire». Il estime que «la privation de liberté suite à la publication d’une information de pure nature commerciale est la preuve de la persistance de l’instrumentalisation politique de la justice et relève de pratiques d’un autre âge que l’on pensait révolu.»

«Pas un acte isolé»

Dans la même déclaration, l'ancien ministre note que cette incarcération «ne constitue pas un acte isolé dans la mesure où elle fait suite à l’emprisonnement de deux journalistes de Liberté pour des motifs qui relèvent du harcèlement politique contre un quotidien contraint à la disparition.»

Abdelaziz Rahabi s'inquiète également du sort réservé au quotidien El Watan qui subit «subit les mêmes pressions et pourrait à son tour disparaître d’un champ médiatique réduit à sa plus simple expression de porte-parole de la voix officielle sans impact réel sur une opinion publique avertie et plus mondialisée que ses dirigeants.»

«Notre gouvernement doit apprendre à accepter que la société lui exige de rendre des comptes au lieu d’exhiber un autoritarisme  expérimenté sans succès par les pouvoirs qui l’ont précédé», estime-t-il.

Le 22 avril 2020, les députés algériens avaient adopté une réforme du code pénal criminalisant la diffusion de fausses informations qui portent «atteinte à l'ordre public et à la sûreté de l'État.»

Un texte de loi vivement dénoncé par les militants de la liberté d'expression.

Tunisie

Des dizaines de militants et de journalistes ont manifesté vendredi à Tunis pour réclamer la libération d'un collègue placé en garde à vue depuis deux jours pour des soupçons de "terrorisme".

Ghassen Ben Khlifa, chef du site d'information engagé Inhiyez, qui s'oppose à toute normalisation entre les pays arabes et Israël et défend farouchement la cause palestinienne, a été arrêté à son domicile mardi.

Des agents de la police ont fouillé sa maison et saisi deux ordinateurs selon des médias locaux.

Le pôle judiciaire antiterroriste a décidé de le placer en détention provisoire, a indiqué à l'AFP Amira Mohamed, vice-présidente du Syndicat national des journalistes (Snjt).

Son avocat, cité par les médias, a affirmé que M. Ben Khlifa était soupçonnée d'être l'administrateur d'une page Facebook "incitant au terrorisme".

"Nous n'avons aucune explication sur les raisons de son arrestation", a affirmé Amira Mohamed,  déplorant les poursuites engagées contre les journalistes "pour les intimider et les faire taire, ce qui représente une menace sérieuse contre la liberté de la presse".

A l'appel du Snjt, du comité de défense du journaliste et des activistes de la société civile, des dizaines de personnes ont manifesté vendredi sur l'avenue Habib Bourguiba où un important dispositif policier a été déployé, a constaté une journaliste de l'AFP.

"Lâchez-nous", "Libérez Ghassen", "A bas la répression de l'Etat", ont scandé les protestataires, qui ont également crié des slogans contre la police et le ministère de l'Intérieur.

"Non à la répression des journalistes", "Ne touche pas à la liberté d'expression", "La liberté de la presse est menacée", pouvait-on lire sur des affiches brandies par les manifestants.

Plusieurs ONG locales et internationales ont déploré un "recul" des libertés en Tunisie depuis que le président Kais Saied s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021.

Dans son rapport publié début mai, le Snjt a alerté sur des "menaces sérieuses" pesant sur la liberté de la presse dans le pays.

Partager sur :