Selon les ONG, des migrants seraient abandonnés dans le désert. Un reportage d'Adlène Meddi paru dans la Tribune de Genève du 14 février 2018.
Hommes, femmes et enfants, ils sont des centaines retenus depuis fin janvier dans un camp à l’ouest d’Alger. «Ils sont regroupés avant d’être transférés vers Tamanrasset (extrême Sud algérien) puis refoulés hors de nos frontières», confirme, sous couvert d’anonymat, une source de la gendarmerie.
Pressée par les pays européens de contenir le flux migratoire, l’Algérie a reconnu avoir reconduit près de 10 000 migrants clandestins dans leur pays d’origine depuis 2016. Les autorités insistent sur le fait que ces renvois se déroulent «en concertation avec les gouvernements des pays concernés» –, des accords entre l’Algérie et le Niger permettant aux autorités algériennes d’expulser les migrants clandestins installés sur leurs territoires.
Mais cette version officielle est contredite par plusieurs ONG. «Les arrestations s’opèrent sans aucun contrôle d’identité et sur la base du délit de faciès, sous prétexte qu’on applique l’accord dit de rapatriement signé avec le Niger», explique Sofia Torche, de Plateforme Migration Algérie, une structure regroupant vingt ONG. La section algéroise d’Amnesty International explique de son côté que les migrants, lors de leur expulsion, sont «abandonnés par les autorités dans une localité du côté nigérien de la frontière». Pire, ils devraient marcher en plein désert dans une zone frontalière peu hospitalière.
«Nous nous cachons de plus en plus dans des bâtisses en chantier ou chez d’autres migrants installés depuis plus longtemps, mais nous ne pouvons plus travailler et circuler comme avant», témoigne Jean, Camerounais arrivé récemment en Algérie en traversant le désert. Maçon ou peintre en bâtiment, selon les opportunités, il a pu travailler pour un entrepreneur algérois avant que celui-ci ne lui demande de quitter son travail de peur des descentes policières.
«Les malades n’osent plus aller à l’hôpital car il y a eu des arrestations. Les mères craignent de sortir faire leurs courses. Les hommes évitent de retourner à leur travail. Les expulsions font que les migrants vivent cloîtrés chez eux», illustre la représentante de Plateforme Migration Algérie.
Un entrepreneur en bâtiment d’Oran exprime son embarras face à la situation: «On avait une sorte d’accord tacite avec les autorités pour laisser les migrants travailler sur nos chantiers car il est difficile de trouver de la main-d’œuvre. Mais depuis un ou deux ans, je ne me risque plus à en embaucher.»
L’an dernier, le comité des travailleurs migrants de l’ONU a exigé de l’Algérie des clarifications sur la situation des exilés et leurs accès aux soins et à la scolarité pour les enfants. Les autorités devraient répondre courant 2018. «Elles agissent dans une sorte de flou juridique, souligne Sofia Torche. Il est nécessaire d’établir une loi sur l’asile qui soit très claire.»
Adlène Meddi (TDG)