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Royaume-Uni : l’expulsion de migrants vers le Rwanda bloquée par la justice européenne

Royaume-Uni : l’expulsion de migrants vers le Rwanda bloquée par la justice européenne

Une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), rendue mardi soir en urgence, a empêché le gouvernement britannique de mettre en œuvre sa nouvelle politique, très décriée, d’expulsion de migrants vers le Rwanda. Un “revers très embarrassant” pour Boris Johnson.

(Courrier international) - Le Boeing 767 devait décoller de la base militaire anglaise de Boscombe Down à 22 h 30, heure locale. Ce devait être le premier charter privé – affrété à prix d’or par Downing Street – à envoyer au Rwanda des demandeurs d’asile refoulés par l’administration britannique.

Mais “en à peine plus d’une heure” tout le plan “s’est effondré comme un château de cartes”, observe la BBC. C’est le recours d’un migrant irakien devant la CEDH qui a précipité les événements : sensible à ses arguments, la justice européenne a ordonné le gel de son expulsion, dans l’attente que la justice britannique se prononce sur la légalité du projet de loi.

Dans la foulée, les six autres migrants prévus sur le vol à destination de Kigali ont déposé leurs propres recours devant la justice britannique, tous couronnés de succès. L’avion devenu vide, les autorités n’ont eu d’autre choix que d’annuler l’opération.

Une opération qui avait du plomb dans l’aile avant même la décision européenne : le vol devait initialement transporter 130 migrants, mais “après une série de recours, ces derniers jours”, il ne restait que sept demandeurs d’asile sur la liste des passagers. Obstiné, “le gouvernement avait martelé que l’avion décollerait, quand bien même il n’y aurait qu’un seul migrant à bord, et malgré un coût estimé à plusieurs centaines de milliers de livres pour le contribuable britannique”, rapporte le Times.

C’est un “revers très embarrassant pour Boris Johnson et sa ministre de l’Intérieur, Priti Patel, qui avaient promis en mai de lancer l’expulsion de milliers de demandeurs d’asile”, juge The Guardian. La décision européenne devrait en effet entraîner “la suspension pour plusieurs semaines de tous les vols d’expulsions vers le Rwanda, jusqu’à la décision judiciaire sur la légalité de la procédure, attendue fin juillet”, analyse le Daily Telegraph.

Symbolique

Mardi soir, Priti Patel “a confié être déçue que le premier vol d’expulsions vers le Rwanda n’ait pas pu avoir lieu”, mais elle s’est montrée déterminée à appliquer sa politique, écrit The Independent. “Nos experts légaux sont en train d’examiner les décisions rendues ce soir et les préparatifs pour le prochain vol vont commencer immédiatement”, a ajouté la ministre.

La CEDH – un organe sans lien avec l’Union européenne (UE) – fonde ses décisions sur l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme, rédigée en 1950 et inscrite dans la législation britannique en 1998.

La seule façon pour Londres de se soustraire à ses décisions serait de sortir de la Convention – une option que n’écarte pas Boris Johnson, et qui placerait le pays en position délicate, observe la professeure de droit international Sangeeta Shah, interrogée par le Daily Mirror.

Elle souligne que “s’il choisissait de quitter la Convention, le Royaume-Uni rejoindrait la Russie et le Biélorussie” au rang des pays défiant la CEDH. Le royaume dirait au monde : “Nous ne croyons pas en un système auquel croit tout le reste de l’Europe.”

La politique d’expulsions de Boris Johnson, qui prétend décourager les migrants d’entrer illégalement au Royaume-Uni, a soulevé une vague d’indignation dans une grande partie du pays – jusqu’au prince Charles et à l’Église anglicane. Mais dans son éditorial, le Times estime qu’on ne “devrait pas reprocher au gouvernement de chercher une solution au problème persistant des traversées illégales et dangereuses de la Manche”.

Le quotidien, qui avait soutenu les conservateurs lors des élections de 2019, estime cependant que “le plan d’expulsion des demandeurs d’asile est surtout symbolique”, et que “jusqu’à présent, le gouvernement a été incapable de démontrer que cette politique est légale ou applicable”.

 

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