Partager sur :

Maroc : Inflation et canicule, tout flambe !

Avec les nouvelles hausses des prix à la pompe, qui frôlent les 18 dirhams pour l’essence et 16 dirhams pour le diesel en fonction des régions, l’explosion des cours mondiaux des denrées alimentaires et la canicule, les Marocains sont pris dans un cycle infernal. Yassine Benargane tire la sonnette d'alarme sur Yabiladi.

Les prix des carburants continuent leur flambée en enregistrant de nouveaux records. Ce mercredi, les nouveaux prix affichés par les stations-services au Maroc tournent autour de 18 dirhams pour l’essence et 16 dirhams pour le diesel, en fonction des régions.

Depuis la décompensation des carburants en 2015, par le gouvernement d’Abelilah Benkirane, les prix, aggravés par l’invasion russe de l’Ukraine en février dernier, ont presque doublé. Ces derniers mois, alors que l’augmentation des prix des produits pétroliers a permis de renflouer les caisses de l’Etat – et, dans une moindre mesure celles des distributeurs-, la hausse a entrainé une flambée des prix intérieurs, frappant de plein fouet le pouvoir d'achat des citoyens.

La nouvelle hausse touche particulièrement les professionnels du transport. Même s’ils sont soutenus par le gouvernement, ils continuent à dénoncer ces hausses successives et considèrent que le soutien octroyé «ne représente qu'une toute petite partie de la solution».

Pour l'économiste Tayeb Aaïss, «la situation est critique et grave». «Il faut s’attendre à d’autres hausses car c’est la tendance pour les prochaines semaines et mois à venir, jusqu’à la fin de l’année», ajoute-t-il. «Le gouvernement doit intervenir rapidement pour prendre des mesures sérieuses et concrètes afin de renforcer le pouvoir d’achat des Marocains, très touchés par cette inflation galopante», plaide-t-il, rappelant que l’inflation est «située actuellement à 4,7% et va certainement dépasser les 5% alors qu’elle était auparavant autour de 1 à 1,5% avec un maximum de 2%».

Une «inflation généralisée»

Au pays où le SMIG est à moins de 3 000 dirhams, l’impressionnante flambée des prix des carburants (jusqu'à 1000 dirhams le plein) entraîne une inflation sous-jacente sur les coûts de transport et donc sur les prix des denrées alimentaires. «La flambée a déjà provoqué une inflation généralisée, qui se traduit sur les transports, les denrées alimentaires et les matières premières», poursuit l’économiste, plaidant pour une «intervention et des mesures rapides, comme le plafonnement des marges des distributeurs à un niveau acceptable et le plafonnement temporaire des taxes».

Un appel qui rejoint celui du Syndicat marocain des industries du pétrole et gaz naturel (CDT). Dans une interview accordée précédemment à Yabiladi, son secrétaire El Houssine El Yamani avait appelé l’Etat à «assumer ses responsabilités et profiter de cette flambée des prix des carburants pour introduire des mesures urgentes destinées à protéger le pouvoir d’achat». Le syndicat avait aussi plaidé pour le plafonnement des marges, l’adoption d’une taxe variable et «la reprise immédiate» du raffinage du pétrole au Maroc à travers la réactivation de la Samir.

Les appels des professionnels se heurtent toutefois aux arguments du gouvernement. La semaine dernière, lors de la séance des questions orales à la Chambre des représentants, la ministre de l’Économie et des finances a tranché, déclarant que le gouvernement ne subventionnera pas les prix des carburants. «Le budget du Maroc ne le permet pas», a-t-elle ajouté, rappelant que l’exécutif a plutôt opté pour un soutien au secteur des transports pour «gérer» sans pour autant délaisser les chantiers du programme gouvernemental.

Un «choix» de l’Etat ?

Tout en reconnaissant que la hausse des prix des carburants à l’international entre dans le cadre des «chocs bruts passagers», l’économiste Saad Belghazi estime que l’Etat «a les moyens» pour y faire face. «Ces chocs seront payés en termes de croissance», regrette-t-il. «Pour les céréales par exemple, l’Etat ne subventionne pas mais intervient pour stabiliser les prix intérieurs en modifiant les taxes. Lorsque les prix montent, l’Etat réduit les recettes fiscales», rappelle le professeur de l’Institut national de statistiques et d'économie appliquée (INSEA) de Rabat, en indiquant que «la question se pose actuellement sur les carburants».

Contre les arguments du gouvernement, le professeur universitaire estime que «l’Etat dispose de ressources fiscales alternatives et doit absolument contrôler la hausse de l’inflation». «L’Etat va essayer de minimiser les prix d’entrée des matières premières alimentaires. Pour les carburants, il semble qu’il s’agit d’un choix de laisser les acteurs privés prendre en charge et encaisser la hausse des prix», conclut-il.

La nouvelle hausse des prix à la pompe coïncide surtout avec des températures caniculaires, ces dernières semaines. Avec la sécheresse, l’explosion des cours mondiaux des denrées alimentaires et les prix d'ovins et de caprins destinés à l'abattage pour l’Aid Al Adha qui s'approche, le consommateur marocain est pris en étau, dans un cycle qui s’annonce infernal.

 

 

Partager sur :