Lancée il y a trois semaines sur les réseaux sociaux, la campagne de boycott qui vise les stations d’essence Afriquia, l’eau Sidi Ali et le lait Danone fait parler d'elle dans les journaux français. L'AFP, reprise par Le Monde et d'autres organes de presse, rend compte de cet événement.
(AFP) - Soutien d’une partie de la gauche, inquiétudes du chef du gouvernement pour les producteurs de lait et réaction d’une entreprise visée : trois semaines après son lancement, une campagne de boycottage continue de faire des vagues au Maroc. Lancée sur les réseaux sociaux, la campagne vise les stations d’essence Afriquia, l’eau Sidi Ali et le lait Danone, tous trois leaders sur le marché, et accusés de pratiquer des prix trop élevés. Elle fait quotidiennement la « une » de la presse locale, qui s’interroge sur l’identité de ses promoteurs, ses motivations et son impact.
Le chef du gouvernement Saad Eddine El Othmani s’est dit, en début de semaine, « inquiet du sort des 120 000 agriculteurs qui fournissent en lait l’une des marques » boycottée, assurant « réfléchir à comment soutenir les petits agriculteurs touchés ». La Fédération de la gauche démocratique (FGD, opposition), une alliance de trois partis, a affirmé mardi 8 mai soutenir cette « forme de protestation pacifique », pointant la « responsabilité du gouvernement dans la hausse des prix » et regrettant « l’absence de mécanismes de contrôle ».
« Face à l’ampleur de ce mouvement », la société des Eaux minérales d’Oulmès, qui exploite la marque Sidi Ali, a imputé mercredi sa marge à des « taxes d’exploitation très importantes ».
L’affaire a atterri au Parlement, où le ministre des affaires générales Lahcen Daoudi a été interrogé lundi sur l’absence de mécanismes de contrôles des prix et la « politique de libéralisation » menée par l’exécutif. Le ministre a défendu le bilan du gouvernement, insistant toutefois sur l’importance de « renforcer le pouvoir d’achat » des Marocains.
Campagne sans nom et sans visage
Attendue depuis des mois, une enquête parlementaire sur les prix des carburants doit par ailleurs être rendue publique le 15 mai, alors que la possibilité d’une « entente sur les prix » entre les importateurs, au « détriment du consommateur », a par le passé été évoquée dans la presse locale. Un conseil de la concurrence existe au Maroc mais ses organes sont gelés depuis trois ans.
Alors qu’en 2007 le Maroc a connu une série de manifestations contre la cherté de la vie, les promoteurs du boycottage virtuel, eux, appellent à surtout ne pas descendre dans la rue.
« Pour la première fois, le peuple marocain s’est montré uni et a pris conscience du rôle des réseaux sociaux pour changer la situation (…). Toute protestation de rue serait un piège pour casser le mouvement », affirme une des pages Facebook qui soutient cette campagne sans nom et sans visage.
La « contribution virtuelle n’est pas risquée, aucune confrontation avec la police, pas d’intimidation possible, ni arrestation ni condamnation », estime Abderrahmane Rachik, sociologue spécialiste des mouvements sociaux. Selon un rapport de la Banque mondiale, la part des dépenses alimentaires dans le budget des ménages marocains se maintient à un « niveau élevé »(environ 40 %), « témoignant du faible pouvoir d’achat des familles ».
Si aucune des marques n’a communiqué sur l’impact de la campagne sur ses ventes, les commerçants interrogés par les médias sont unanimes pour noter une baisse des ventes des produits visés. Selon un récent sondage de l’institut marocain privé Averty, 79 % des internautes soutiennent le boycottage.
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