Le Maroc a perdu plus d’emplois qu’il n’en a créé entre 2016 et 2017, alors que l’accès au marché du travail reste encore un véritable parcours du combattant pour la population active en situation de chômage. Le HCP, l’institution marocaine en charge de la production statistique, de planification,et de prévision économique, n'hésite pas à pointer du doigt l’absence d’organisation et de protection, d’accès au système de retraites ou encore sur l'inquiétant taux de chômage des femmes.
Le Haut commissariat au Plan (HCP) marocain vient de dévoiler les résultats de sa dernière enquête pour l'emploi pour l'exercice 2017, un rapport qui révèle un taux de chômage résilient aux réformes entreprises par l'Exécutif et où l'agriculture demeure le plus important pourvoyeur d'emplois du pays.
Un emploi de «faible qualité»
L'enquête du HCP rappelle que le Maroc disposait d'une population active de 11,9 millions de personnes en 2017, progressant au rythme de 1,1%, alors que le taux d'activité a reculé de 47 à 46,7% au niveau national. Le volume de l'emploi a de son côté légèrement augmenté de 0,8% l'année dernière, ce qui correspond à une création nette de 86 000 postes, dont 42 000 dans le segment d'activités «agriculture, forêt et pêche», 26 000 dans les services, 11 000 dans le BTP ou encore 7 000 dans l'industrie, y compris l'artisanat.
Des chiffres qui mettent en doute la capacité réelle de la politique d'industrialisation ou d'écosystèmes à créer de l'emploi, vu que près de 50% des nouveaux emplois enregistrés en 2017 sont liés à l'agriculture et la pêche. D'ailleurs, le HCP a fait état d'une baisse du taux d'emploi passant de 42,3% à 41,9% entre 2016 et 2017. Une contraction qui se conjugue à la faible qualité de ce denier, puisque 58,6% des actifs n'ont aucun diplôme, 27,9% un diplôme de niveau moyen et 13,5% de niveau supérieur, alors que plus d'un quart des actifs occupent un emploi précaire.
Peu de protection et des opportunités toujours concentrées sur l'axe Tanger-Marrakech
Le HCP a également relevé un marché de l'emploi «peu organisé et faiblement protégé», où 96,7% des employés ne sont affiliés à aucune organisation syndicale ou professionnelle, alors que 77,5% ne bénéficient pas d'une couverture médicale et 65% ne disposent pas de contrat formalisant leur relation avec leur employeur. Parallèlement, le taux de chômage s'est accru passant de 9,9% à 10,2% au niveau national, soit 49 000 personnes en plus (toutes dans le milieu urbain), portant l'effectif global à 1,2 million de personnes.
Les jeunes âgés de 15 à 24 ans figurent parmi les plus touchés par le chômage avec 26,5% au niveau national et 42,8% en milieu urbain, dont 23,3% sont détenteurs d'un diplôme de niveau de supérieur. Le HCP révèle également que 58,4% des personnes en chômage sont à la recherche de leur premier emploi et 71,2% sont au chômage depuis plus d'une année ! Au niveau régional, 5 régions regroupent 72,4% du volume total de l'emploi : Casablanca-Settat (22,4%) ; Marrakech-Safi (13,8%) ; Rabat-Salé-Kénitra (13,5%) ou encore Tanger-Tétouan-Al Hoceima (11,1%).
Concernant le chômage, près de 82,8% des demandeurs d'emploi sont concentrés dans 6 régions: Casablanca-Settat avec 25,1% ; Rabat-Salé-Kénitra (17,5%) ; l'Oriental (11,3%) ; Fès-Meknès (10,8%) ; Marrakech-Safi (9,4%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (8,7%). D'ailleurs, les niveaux de chômage les plus élevés ont été observés dans les régions de Guelmim-Oued Noun (17,7%) ou encore dans l'Oriental (17,1%).
Les femmes et les universitaires parmi les plus exposés
Paradoxalement, l'étude du Haut Commissariat alerte sur le fait que le chômage affecte en particulier les tranches de population ayant des diplômes supérieurs. Le taux de chômage passe de 3,8% parmi la tranche n'ayant aucun diplôme, contre 15% pour les diplômés de niveau moyen pour atteindre 23,3% parmi les diplômés de niveau supérieur. Autre constat du HCP, l'accès des femmes au marché de l'emploi «reste faible et largement en deçà de celle des hommes», des taux respectifs de 22,4% et 71,6% en 2017.
Côté création entreprise, le constat du HCP est loin d'être optimiste. Sur les 3,6 millions d'entrepreneurs enregistrés, 39,4% sont des hommes et 17,4% des femmes, alors que 7 entrepreneurs sur 10 restent concentrés dans 5 régions : Casablanca-Settat (20,4%) ; Marrakech-Safi (14%) ; Rabat-Salé-Kénitra (12,7%) ; Fès-Meknès (12,1%) ou encore Tanger-Tétouan-Al Hoceima (11,9%). Cette catégorie professionnelle est constituée en majorité de travailleurs indépendants (86,9%), suivis d'employeurs (7,2%), dont 98,2% gèrent des unités où travaillent moins de 5 employés et dont seulement 3% détiennent une comptabilité.
Près de 9 entrepreneurs sur 10 sont des hommes, dont 38,9% exercent dans l'agriculture ; 45,1% dans le secteur des services; 8,3% dans l'industrie (y compris l'artisanat) et 7,7% dans le BTP. Les enquêteurs du HCP ont par ailleurs relevé que les procédures administratives (42,5%), l'accès au financement (41,5%) et au foncier (9,9%) ou encore le manque de main-d'œuvre (2,1%), voire le népotisme (1,7%) sont les principaux obstacles à entrepreneuriat.
Les migrants logés à la même enseigne
L'accès au système de retraites reste encore limité selon l'enquête qui indique que seuls 21% des actifs occupés en bénéficient. Le HCP s'est également intéressé à la situation des immigrants installés au Maroc vis-à-vis du marché du travail. Une situation décrite comme «quasi similaire à celle de l'ensemble de la population». Le taux d'activité de cette tranche de la population est de 48,9% avec un attrait certain pour le secteur des services qui absorbe 78,5% de la main-d'œuvre immigrante, suivi du BTP avec 12%. Le taux de chômage de cette catégorie s'établit ainsi à 18,1% et affecte particulièrement les femmes.
Concernant cette tranche de la population, 38,5% sont d'origines arabes, 32,5% d'Europe et 27,3% de pays subsahariens non arabes. Les raisons ayant poussé cette catégorie à s'installer au Maroc sont multiples : économique, pour 41,4% des immigrants ; sociale, pour 22,4% ; et pour la poursuite d'étude ou de formation, pour 11,7%. La majorité (86,9%) se concentre dans 4 régions : Casablanca-Settat (33,8%) ; Rabat-Salé-Kénitra (28%) ; Marrakech-Safi (15,2%) et l'Oriental (9,9%).
Cette étude a, selon les analystes du HCP, adopté de nouvelles thématiques dans son champ d'investigation, en intégrant de nouvelles nomenclatures d'activités, de professions ou encore de diplômes. Une nouvelle méthodologie qui a vu son échantillon passé de 60 000 à 90 000 ménages.
Avec La Tribune - Afrique